À l’heure où certains se réclament des Le Pen tout en brandissant le drapeau Rouge-Vert-Noir, il était urgent de redéfinir le sens que nous donnons au drapeau RVN et à la nation martiniquaise. Combattre la schizophrénie idéologique mortifère de certains courants
doit être le devoir moral de tous.tes les patriotes martiniquais.es.
Dans cette logique de clarification, le 4 ème congrès du PALIMA a aussi tenu à approfondir le socle idéologique de notre parti et les objectifs stratégiques qu’il se fixe.
✅LES FONDEMENTS IDÉOLOGIQUES DU PALIMA
« Toute lutte d’émancipation exige un corps de doctrine et de valeurs qui fondent sa raison d’être, ses finalités, ses objectifs, sa stratégie et ses méthodes. Ces fondements s’avèrent incontournables pour conscientiser, convaincre, organiser, rassembler, mobiliser le peuple martiniquais.
Le seul mot d’ordre d’indépendance nationale – par ailleurs fondamental- ne saurait suffire à éclairer notre route et à éduquer le peuple martiniquais dans la perspective d’une véritable transformation politique.
L’indépendance nationale, en effet, est une rupture du lien colonial. Il nous faut, au-delà de cette mission, rompre avec tous les liens de domination qui font obstacle à l’émancipation de la femme et de l’homme martiniquais.es. L’ambition de la construction d’une société plus égalitaire, plus juste, plus démocratique, plus consciente, plus humaine demeure la boussole de notre parti.
L’elaboration de ces fondements se nourrit de la longue expérience du mouvement national et social de Martinique, des luttes populaires, de l’analyse de notre société, des problématiques nouvelles que celle-ci doit prendre en charge ainsi que des défis qui se posent aujourd’hui à l’être humain, à l’échelle de notre planète.
1-L’engagement patriotique
La quasi-totalité des Martiniquais.e.s est désormais consciente qu’elle appartient à une communauté particulière, à un peuple.
Cette conviction n’a pas toujours existé, même si, très tôt, il s’est formé un sentiment d’appartenance et de solidarité entre les Africain.e.s. réduit.e.s en esclavage qui a conduit à des solidarités et à des révoltes. Les chemins des résistances sont toujours multiples et complexes, en fonction des strates auxquelles appartenaient les masses esclavagisées, des situations concrètes et des moments de l’histoire.
Au sortir de l’abolition de l’esclavage, en 1848, l’assimilationnisme a constitué le fait dominant. La doctrine et les politiques de l’Etat colonial français, l’idéologie de la petite bourgeoisie, le Schoelchérisme, l’expérience de la déshumanisation des Africain.e.s réduit.e.s en esclavage ont conduit les masses populaires à penser que le statut de citoyen de la nation française pouvait être le gage de l’égalité.
Ainsi, le parcours particulier de la communauté de femmes et d’hommes qui a progressivement constitué le peuple martiniquais explique l’existence, à un moment donné, d’un sentiment patriotique pro-français qui s’est traduit, entre autres manifestations, par la volonté de “verser l’impôt du sang”. Dès 1861, des soldats Martiniquais participaient à l’expédition napoléonienne au Mexique (1861-1867) pour “verser” cet étrange “impôt” qui, prétendument, devait sceller l’égalité raciale…comme si des siècles d’esclavage n’avaient toujours pas suffi…
Le sentiment national martiniquais n’a pas pour autant été inexistant durant cette période. L’Insurrection de Martinique de Septembre 1870 a clairement mis en évidence une revendication nationale et des revendications populaires sur le partage des terres.
Le patriotisme martiniquais, né de cette histoire, tient compte de la dialectique particulière de l’émergence d’un peuple et d’une nation issus de l’esclavage et du système colonial.
Le patriotisme martiniquais se veut l’appartenance et l’attachement profond à la terre martiniquaise, à son peuple, à sa culture, à sa langue, sans jamais sombrer dans un nationalisme étroit et démagogique ni dans des dérives chauvines. Il vise à renforcer la cohésion de notre peuple autour d’un projet national pour mieux assurer notre futur commun.
L’objectif, à terme, des patriotes martiniquais.e.s consiste à décoloniser notre patrie, à gagner l’indépendance Nationale et à instituer un État démocratique, ouvert à notre Amérique et au monde.
Nous considérons que le droit à l’autodétermination des peuples, le droit à la liberté constituent des valeurs fondamentales qui déterminent le futur des relations internationales et la possibilité de construire un monde nouveau fondé sur la paix, la fin de toute domination impérialiste et la coopération harmonieuse entre les peuples.
En tant que Nation, Peuple et État, la Martinique doit aussi apporter sa contribution à cette grande ambition humaine.
2-L’engagement révolutionnaire
La lutte pour notre souveraineté nationale ne constitue qu’un aspect -certes fondamental- de la ligne idéologique du PALIMA. Elle peut conduire notre organisation à des alliances avec d’autres patriotes pour accéder à l’indépendance nationale.
Pour autant, il ne s’agit pas pour nous de simplement remplacer le drapeau français par un drapeau martiniquais et un hymne national ou encore de déclarer un nouvel État à l’ONU.
D’abord toute révolution nationale, pour être complète, doit briser les structures économiques, culturelles, financières, politiques, sociales, foncières de l’époque coloniale qui contribueraient à maintenir, sous une forme nouvelle, la domination coloniale. Le champs de l’entreprise décolonisatrice se veut donc total sous peine d’échec. Les paradigmes du développement doivent être révisés à l’aune de ces exigences pour se soustraire à l’empire du néolibéralisme dominant.
Les expériences de « décolonisation » en Afrique, par exemple, nous le montrent très clairement. Une bourgeoisie noire, liée au colonialisme et à l’impérialisme, a continué le pillage des ressources de l’Afrique, l’exploitation des masses populaires, la soumission politique aux intérêts de l’ancien colonisateur (Franc CFA etc…), l’aliénation culturelle. Il est vrai que les anciens colonisateurs n’ont reculé devant aucun excès pour maintenir leur domination.
En Amérique dite « latine » -elle est, en réalité, tout autant indienne et africaine- les nations ayant acquis leur indépendance, au cours du 19 ème siècle, ont maintenu une écrasante hégémonie politique, économique, sociale, culturelle des descendants des colons sur les masses indiennes et africaines descendantes qui subissent racisation et exclusion. Même si les descendants des espagnols et des portugais ont conduit à la rupture d’avec les empires espagnol et portugais et à l’indépendance nationale, l’égalité entre les races n’a que rarement été leur préoccupation. La racisation a été et continue d’être une constante idéologique du modèle mis en place, à l’exception de très rares pays. Le Brésil constitue l’exemple typique du modèle de hiérarchisation raciale qui marginalise les indiens et les les Africains descendants.
L’engagement révolutionnaire est un engagement anti-capitaliste en faveur d’une société plus égalitaire, permettant une juste répartition des richesses au profit des classes populaires.
L’engagement révolutionnaire est aussi un engagement démocratique. La question démocratique, de la mobilisation du peuple dans le processus d’émancipation nationale et sociale et de construction de l’État constitue pour nous un défi central.
3-L’engagement féministe
Notre lutte de libération nationale et sociale pose clairement la question de la place des femmes dans le processus d’émancipation et dans la construction d’une société nouvelle. L’histoire de notre pays, comme celle de la Caraïbe et des Amériques, se caractérise par le rôle essentiel joué par les femmes dans toutes les confrontations déterminantes de nos peuples avec le colonialisme français : 22 Mai 1848, Septembre 1870 etc. Cette résistance s’est aussi manifestée dans la prise en charge du quotidien et la construction, à tous les niveaux, de notre pays. Pour autant, de graves discriminations existent à l’égard des femmes allant jusqu’aux féminicides. Or, aucune lutte d’émancipation de notre peuple n’aboutira sans l’émancipation totale des femmes, sans un changement profond entre les femmes et les hommes.
L’expérience pratique et théorique des luttes des femmes dans les pays colonisés , surtout à partir des années 1960-70, a conduit à une redéfinition du féminisme. Certes, autant la femme demeure, dans les pays capitalistes, « la prolétaire du prolétaire », pour reprendre une expression de Marx, autant dans les pays dominés, elle demeure la colonisée du colonisé.
Le colonialisme et plus généralement l’impérialisme, au nom de la lutte contre la violence des hommes et de la modernité, n’ont pas manqué d’instrumentaliser ces inégalités pour diviser celles et ceux qui subissent l’exploitation et la domination, et mieux asservir nos peuples. Ils ont donc cherché à mettre les femmes de leur coté.
Le néo-libéralisme s’est ainsi servi des paradigmes d’un certain courant du féminisme occidental comme d’une arme idéologique pour gagner l’opinion occidentale et mettre en œuvre des politiques d’oppression et de guerres.
Le féminisme décolonial va au-delà de l’égalité de genre. Il décentre la vision eurocentrée portée par le féminisme occidental, contextualise les problématiques des femmes des pays dominés et se livre à un indispensable effort de redéfinition conceptuelle. Il met en évidence le rôle particulier du colonialisme et de l’impérialisme dans le sexisme, la racisation et la prolétarisation des femmes colonisées. L’exploitation des femmes dans les métropoles coloniales d’Europe, aux Etats-Unis ou encore dans les pays dominés illustrent douloureusement ce constat.
4-L’engagement écologiste
L’esclavage colonial a été le facteur déterminant de l’accumulation du capital. “Ce sont les colonies qui ont créé le commerce du monde”, écrivait déjà Marx, dans une lettre de 1846. C’est donc cette accumulation du capital qui est à l’origine de la Révolution industrielle qui se développa d’abord en Angleterre, comme le démontra l’historien Trinidadien, Éric WILLIAMS, dans son œuvre majeure, publiée en 1944, “ Capitalisme et esclavage”. La traite négrière et l’esclavage sont donc constitutifs du capitalisme et de l’impérialisme. L’historien du Guyana, Walter RODNEY, dans son ouvrage “Comment l’Europe sous-développa l’Afrique : analyse historique et politique du sous-développement” (1972), a montré que l’Afrique a développé l’Europe “dans les mêmes proportions que l’Europe a sous-développé l’Afrique”.
L’esclavage et le capitalisme ont entraîné un bouleversement écologique sans précédent, tant aux Amériques qu’en Afrique ou ailleurs. Des modes d’habiter et de penser, des rapports de la femme et de l’homme à la nature, des relations sociales et humaines ont été écrasés dans un laps de temps relativement rapide, au profit d’un productivisme sans limites et d’une déshumanisation de nos sociétés fondées sur l’exploitation et le profit.
L’économie de plantation dans la Caraïbe et dans notre pays, l’extermination des Caraïbes, l’exploitation des mines d’argent de Potosí, au Pérou, le travail forcé des indiens (la encomienda), les génocides, l’esclavage, la concentration des terres entre les mains des colons européens illustrent bien les désastres créés par la colonisation.
La vision du suprémacisme européen qui place l’homo sapiens blanc au-dessus du reste du vivant, au centre de la Création, s’est imposée durablement, dans une extraordinaire violence.
L’expérience de l’empoisonnement à la chlordécone de notre peuple témoigne que cette vision du monde, héritière du capitalisme-colonial et de la pensée eurocentriste, pèse toujours sur notre modernité et la vie de nos concitoyen.ne.s.
Plus largement, aujourd’hui, le réchauffement climatique met en danger l’ensemble de la planète et expose les plus pauvres ainsi que les pays dominés à de terribles conséquences : perte de la biodiversité, acidification des océans, phénomènes météorologiques extrêmes, sécheresses, crises alimentaires majeures, augmentation des risques sanitaires, déplacements de populations, pauvreté, accentuation des inégalités, guerres, destructions globale
Il y a donc consubstantialité entre l’engagement écologique et le combat décolonial et anti-impérialiste. Où qu’elles.ils se trouvent, sur le terrain comme dans les instances politiques, les militant.e.s du PALIMA se doivent d’apporter une contribution active sur ce champ de bataille.
5-L’engagement anti-impérialiste
La colonisation est l’une des expressions de la domination impérialiste. Tout.e patriote conséquent.e inscrit naturellement son combat anti-colonialiste dans une vision plus large des forces et théories qui structurent la domination politique, économique, culturelle, militaire, financière d’un ou de plusieurs États sur de vastes parties du monde, notamment dans notre Amérique, en Asie ou encore en Afrique.
Les désordres du monde, guerres, pauvreté, migrations massives, pillages des matières premières des pays dominés, inégalités extrêmes, exploitation sans mesure des ressources naturelles, mal-développement, tous ces phénomènes ont pour source essentielle l’impérialisme.
La mondialisation néolibérale dont certains se hasardent à vanter les bienfaits, n’est que la manifestation de l’impérialisme, au détours du 21 eme siècle. Derrière ce qui s’apparente bien à de nouveaux habits, on retrouve les caractéristiques d’un système capitaliste parvenu à son stade suprême, avec la domination des monopoles et du capital financier, la primauté de l’exportation des capitaux, la toute-puissance des multinationales ou transnationales, le découpage de la planète entre les puissances dominantes.
L’engagement anti-impérialiste exige un soutien sans faille à toutes les luttes d’émancipation, dans la Caraïbe, en Amérique, en Asie, en Afrique et en Europe. Il nous commande de soutenir les mobilisations contre le racisme et les politiques infâmes contre les migrants. »
4 ÈME CONGRÈS DU PALIMA
Dimanche 27 mars 2022
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