Au nom de quels principes, de quelles valeurs universelles, de quelle conception des droits humains, de quelle morale exécute-on, de sang-froid, des vieillards, des femmes et des enfants de Palestine ? Au nom de quelle finalité rationnelle ce massacre prémédité, planifié, millimétré et offert au monde comme un spectacle d’un autre âge ? Quelle alternative l’occident pense t-il, par une démonstration affligeante de soutien à la sauvagerie, offrir à la jeunesse arabe ? Hypocritement drapé dans l’alibi facile de la shoah, figé dans la délectation perverse de la supériorité de ses moyens militaires, Israël, avec l’évidente complicité des Etats-Unis et celle –plus sournoise mais bien réelle- de la France et de l’Union Européenne, reste l’une des survivances les plus pestilentielles de la barbarie.
D’Oradour-sur-Glane à Gaza…
Cette après-midi du 10 juin 1944, quatre jours après le débarquement allié de Normandie, les troupes nazies, harcelées par les Forces Françaises de l’Intérieur, exécutent, à titre de représailles, la quasi-totalité des habitants du village limousin d’Oradour-sur-Glane. Tout y passe : vieillards, femmes, enfants… 642 morts… Il fallait, pensaient les waffen SS, terroriser les civils, les frapper d’ « une main de fer » pour tenter d’atteindre la résistance française.
La tuerie d’Oradour-sur-Glane est à l’évidence l’ancêtre idéologique de l’opération « Plomb durci » des sionistes à Gaza. Soixante-cinq ans après, la même logique, les mêmes méthodes, le même cynisme, la même brutalité, la même immoralité sont à l’œuvre.
Tous les officiels israéliens qui se sont exprimés ont tenté de justifier l’emploi de la force contre les civils palestiniens par « la présence de combattants du Hamas » parmi eux, reconnaissant du même coup que les frappes contre la population ne relèvent pas d’erreurs mais bien d’une volonté délibérée.
Une différence existe néanmoins entre Oradour-sur-Glane et Gaza : les criminels nazis ont été jugés et condamnés ; leurs rejetons sionistes agissent, par contre, en toute impunité, plastronnant sur des médias le plus souvent aux ordres, ridiculisant la communauté internationale et se permettant même de donner des leçons de morale et de civilisation au monde. Un comble !
La bête immonde renaît donc là où les esprits naïfs ne l’attendaient pas, oubliant que la peste raciste et génocidaire peut autant être fille de l’idéologie du « peuple élu » que de l’idéologie de la « race supérieure ». Une même intolérance, une même négation de l’autre, un même nihilisme les relient.
« Est-ce une exagération irresponsable que d’associer les traitements des palestiniens aux pratiques d’atrocités des Nazis ? Je ne le crois pas. Les récents développements à Gaza sont particulièrement inquiétants parce qu’ils expriment de façon frappante une intention délibérée de la part d’Israël et de ses alliés de soumettre une communauté humaine toute entière à des conditions de la plus grande cruauté qui mettent en danger sa vie. La suggestion que ce schéma de conduite est un holocauste en train de se faire, représente un appel assez désespéré aux gouvernements du monde et à l’opinion publique internationale à ce qu’ils agissent d’urgence pour empêcher que ces tendances actuelles n’aboutissent à une tragédie collective ».
C’est ainsi que Richard FALK, juif, professeur émérite de droit international à Princeton et rapporteur spécial du conseil des droits de l’homme des Nations-Unies pour les territoires palestiniens occupés, analyse la situation dans la bande de Gaza.
Comment on détruit un peuple…
De fait, Israël continue de violer toutes les règles du droit international garantissant la protection des populations civiles, en situation de guerre. Ainsi, la convention de Genève considère comme des atteintes graves aux droits des personnes « l’homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains […], le fait de créer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé… » des populations civiles. Toutes choses que le tribunal de Nuremberg a lourdement sanctionnées au lendemain de la défaite du Nazisme.
Obligation est, par exemple, faite aux belligérants de ne pas détruire les infrastructures civiles ou encore les lieux de culte. Or, chaque jour, nous parviennent les abominations commises à Gaza par l’armée israélienne : destructions de maisons d’habitation, d’universités, d’écoles, de mosquées… et même de cimetières ! L’hôpital Al-Quds, les locaux d’une agence de l’O.N.U et l’immeuble Al -Shourouq qui abrite les bureaux de plusieurs agences de presse européennes, américaines et arabes ont été aussi pris pour cibles !
Des faits encore plus intolérables se sont vus vigoureusement dénoncés par la Croix Rouge Internationale et le conseil des droits de l’homme de l’O.N.U :
- Interdiction, pendant plusieurs jours, de laisser la Croix Rouge porter secours à des blessés palestiniens, parmi lesquels des enfants, dans le quartier de Zéitoun.
- Bombardement, à plusieurs reprises, d’une maison dans laquelle l’armée israélienne avait préalablement rassemblé 110 civils palestiniens ! 30 morts.
- Bombardement d’une école de l’Agence des Nations-Unis pour les réfugiés palestiniens (U.N.R.W.A.), dans le camp de Jabaliya où s’étaient regroupées plusieurs centaines de personnes… 42 morts.
Quant aux armes utilisées par l’Etat sioniste, elles mettent en évidence la volonté d’exterminer physiquement et de briser moralement les habitants de Gaza. La presse a ainsi largement mentionné l’emploi de bombes à phosphore blanc capables de brûler au 3ème degré les personnes exposées, de détériorer le foie, le cœur, les reins et d’occasionner d’indescriptibles souffrances, surtout dans un contexte où les hôpitaux, débordés, ne peuvent efficacement prendre en charge les victimes.
Lors de l’invasion de Beyrouth, en juin 1982, ces bombes à phosphore avaient d’ailleurs déjà été utilisées, de même que les bombes à fragmentation.
Les Smart Bombs (« bombes intelligentes ») GBU-39, de construction américaine, constituent un danger encore plus insidieux. L’uranium appauvri contenu dans le GBU-39 est un poison chimique et radiologique qui se répand dans l’atmosphère et contamine l’environnement. Il pénètre dans l’organisme humain par ingestion, inhalation ou pénétration par les blessures, générant cancers, malformations congénitales ou encore maladies du système immunitaire.
Par ailleurs, le docteur Mads GILBERT, membre d’une équipe médicale norvégienne à Gaza, dénonçait l’emploi des armes D.I.M.E. (Dense Inert Metal Explosive), à fort pouvoir explosif et cancérigène. Dans une interview accordée à Press TV, il déclarait : « Presque tous les patients que nous avons reçus ont des amputations sévères. Ils ont été touchés par ce type d’arme. Bien sûr, nous avons de nombreuses blessures multiples, et les brûlés qui ont leurs membres sectionnés constituent une large proportion de victimes ».
Le bilan de la situation à Gaza -360 km2, soit le tiers de la Martinique, pour 1 500 000 habitants- est catastrophique : plus de 5 000 blessés, pour l’essentiel des civils dont la plupart ne peuvent être correctement soignés ; plus de 1 200 morts, le tiers étant constitué d’enfants.
L’épuration ethnique : une constante de l’idéologie sioniste
La brutalité israélienne procède d’une stratégie délibérée, inscrite dans l’histoire même du sionisme depuis ses origines.
Edmond AMRAN EL MALEH, écrivain juif marocain, rappelait, à juste titre : « L’état d’Israël s’est fondé dans la négation physique et morale de tout ce qui est arabe, palestinien en premier lieu, et de Ben GOURION à BEGIN, malgré une diversité de tons, les dirigeants israéliens, les fondateurs, l’ont proclamé, dit et redit sans relâche » (in, Revue d’études palestiniennes – N° 5 – 1982).
Et il précisait : « Il faudra bien désigner par son nom le fait de chasser de leurs terres les palestiniens, de détruire des centaines de villages pour faire place aux colons israéliens, de déporter des populations entières, de les parquer, de les condamner à vivre dans des camps, en un mot de liquider le peuple palestinien en tant qu’identité nationale et de réduire ce qui survit à une masse de réfugiés sans terre, sans âme, sans visage ».
Très tôt en effet, le nettoyage ethnique a été pratiqué à grande échelle par le sionisme. La création de l’Etat israélien et la réalisation du mythe du « Grand Israël » supposaient l’expulsion massive des palestiniens de leurs terres. La terreur et la violence exercées contre les populations civiles répondaient à cet objectif central.
Les massacres de Deir Yassin, à l’ouest de Jérusalem, le 9 avril 1948, perpétrés par les sionistes de l’Irgoun et du Lehi contre des villageois, sont d’ailleurs considérés par nombre d’historiens comme un des facteurs décisifs de l’exode palestinien de 1948. Après la guerre de 1948, ils seront 800 000 à quitter leurs terres pour se réfugier dans les camps ouverts par l’O.N.U. en Jordanie, au Liban ou encore en Syrie. Suite à la guerre de 1967, ils seront 300 000 à fuir la Cisjordanie et Gaza. A ce jour on compte plus de 4 082 300 réfugiés palestiniens.
Une autre obsession hante la mentalité sioniste : « Extirper » la résistance palestinienne, qu’elle s’appelle le Fatha, le F.P.L.P., l’O.L.P. ou le Hamas. Déjà, en 1968, dans la localité de Karamé, dans la vallée du Jourdain, le général israélien Moshe DAYAN entendait « écraser dans l’œuf » le mouvement palestinien. Après l’invasion de Beyrouth en juin 1982 et les massacres de Sabra et Chatila (16 et 17 septembre de la même année) BEGIN et SHARON prétendaient que « le mal avait été arraché à la racine ». La résistance a tenu bon, même si les sacrifices et les souffrances du peuple palestinien ont été incommensurables. Le même langage est utilisé aujourd’hui pour justifier la boucherie en cours à Gaza.
La responsabilité de l’Europe et des Etats-Unis
L’Europe et les Etats-Unis portent une immense responsabilité morale et politique dans le drame palestinien. La déclaration, en novembre 1917, de Lord BALFOUR, alors secrétaire d’Etat britannique aux affaires étrangères, cautionnait le projet sioniste de création d’un Etat sur la terre de Palestine, au détriment de la population palestinienne. Cet Etat, fondé en mai 1948, soutenu et armé par l’Europe, est devenu au fil du temps l’allié majeur des Etats-Unis dans la région et bénéficie, à ce titre, d’une absolution complète pour toutes ses violations des droits humains.
La coopération entre l’Europe et Israël n’a cessé de se développer dans tous les domaines. Par exemple, les liens de la finance israélienne avec l’Europe se sont renforcés de manière significative ces dernières années. En 2006, les sociétés israéliennes ont été plus nombreuses à entrer en bourse en Europe qu’aux Etats-Unis.
En outre, en novembre 2008 –la présidence de l’Union Européenne était alors assurée par la France-, Bernard KOUCHNER proposait à l’Europe de renforcer sa coopération avec Israël, y compris dans les domaines de la sécurité et de la défense. Une occasion ratée pour le « french doctor » de confronter au réel son « droit d’ingérence humanitaire », jadis défendu avec une rare conviction… Entre gens « civilisés », partageant « les mêmes valeurs », cela aurait pu marcher… Il reste qu’en dépit de son comportement d’Etat voyou Israël devrait signer en avril 2009 cet accord de coopération élargie. Pour cause de logique asymétrique, les serbes ont eu moins de chance…
Quant aux relations de l’Etat sioniste avec les Etats-Unis, elles s’avèrent extrêmement étroites : Assistance économique, aide militaire et technologique, coopération et planification stratégiques, manœuvres militaires conjointes etc…
La guerre en Irak et en Afghanistan, la lutte contre la Syrie et l’Iran ont conforté son statut d’allié de premier plan de Washington. L’existence d’une importante communauté juive aux U.S.A. (environ 5 500 000), en grande partie alliée aux fondamentalistes protestants et aux néo-conservateurs, achève de consolider cette alliance.
L’Union Européenne et les Etats-Unis ont donc les moyens de faire pression sur Israël pour l’obliger à se conformer aux résolutions de l’O.N.U., en particulier à la résolution 1860 qui exige un « cessez-le-feu immédiat, durable et pleinement respecté menant au retrait complet des forces israéliennes de Gaza ».
Chacun se souvient qu’à la fin des années 1980, les sanctions économiques contre l’Afrique du Sud, combinées bien entendu à l’action de l’A.N.C. et à la mobilisation internationale, avaient puissamment contribué à la libération de Nelson MANDELA et à la fin du régime d’apartheid… qu’Israël avait été le seul pays à soutenir jusqu’au bout.
Mais on sait que ni l’Union Européenne ni les Etats-Unis, grands défenseurs des « valeurs universelles », ne voudront contrarier l’Etat sioniste. Ils couvriront jusqu’au bout les exactions et crimes sionistes, même si –c’est surtout le cas pour les européens- ils participent aux votes de résolutions dont ils savent qu’elles ne seront jamais appliquées. Ainsi, la résolution 605 de décembre 1987, dénonçant « les pratiques d’Israël qui viole les droits du peuple palestinien » est restée lettres mortes.
En réalité, le sionisme n’a jamais renoncé au mythe du « Grand Israël » et à l’anéantissement du peuple palestinien en tant que tel. Si –en apparence- sous la pression de la première (1987) et de la seconde (à partir de 2000) Intifada, il a concédé quelques reculs, chacun a pu observer que ni les négociations d’Oslo en 1999, ni les accords de Washington de septembre 1993, ni Oslo II en septembre 1995, ni l’accord intérimaire de Wye Plantation d’octobre 1998, ni la fameuse « feuille de route » d’avril 2003 n’ont abouti à une résolution juste et durable de la question palestinienne.
Au contraire, Israël a gagné du temps, éliminé le chef historique de l’O.L.P., Yasser ARAFAT, divisé les rangs de la résistance, renforcé les colonies juives en Cisjordanie, érigé son mur de la honte et, aujourd’hui, poursuit le massacre du peuple palestinien à Gaza.
Parallèlement, les pays impérialistes consolidaient, dans les pays arabes, des régimes soumis aux intérêts des puissances dominantes, corrompus et sanguinaires, sanctionnant et éliminant toutes les forces progressistes que la région pouvait compter.
La politique menée vis-à-vis du Hamas et les souffrances indicibles infligées aux habitants de Gaza n’aboutiront qu’à radicaliser les prochaines générations de combattants arabes. C’est l’occident -et son mépris de l’autre- qui prépare et nourrit « le choc des civilisations ».
La question palestinienne, à forte charge symbolique, constitue donc un enjeu essentiel dans les rapports entre les civilisations. Israël représente ce que ne doit pas être notre futur : une somme de contre-valeurs. Le martyr de Gaza est la honte de ce millénaire … et notre honte à tous. Ne pas régler sur le fond ce conflit, c’est prendre le risque de nourrir toutes les frustrations, toutes les humiliations, toutes les haines qui, un jour, se transformeront en tempête de plomb… car quelqu’un finit toujours par frapper à la porte pour demander que l’on paie l’addition des meurtres et du mépris.
Les corps disloqués et les regards perdus des enfants de Gaza, le cynisme des Etats occidentaux, les rodomontades des bourreaux ne laissent personne indemne, ni l’assassin qui assassine, ni l’enfant qui fuit la mort, ni même le spectateur révolté, compatissant ou indifférent. Ces images d’holocauste modèlent nos représentations du monde, façonnent notre imaginaire, induisent une certaine culture du rapport à l’autre.
Le cessez-le-feu unilatéral décrété par Israël, le samedi 17 janvier, ne répond ni aux exigences de la résolution 1860 ni aux enjeux politiques posés. Les troupes israéliennes doivent se retirer totalement de Gaza comme le stipule la résolution 1860 de l’O.N.U. Mais les responsables israéliens doivent aussi être jugés, devant un tribunal spécial, pour crimes contre l’humanité. Au moment où l’on poursuit les bouchers du Rwanda, ou de la Bosnie Herzégovine, Israël ne saurait continuer à être le dernier sanctuaire des criminels de guerre.
La création d’un Etat palestinien viable, souverain, débarrassé de la menace permanente du sionisme, se veut une urgence d’aujourd’hui. Elle suppose l’unité du peuple palestinien, en dépit de toutes les divergences. Elle exige en outre des sanctions économiques contre Israël dont la brutalité, l’arrogance et le sentiment d’impunité ont atteint un niveau qui n’est plus tolérable pour aucune société saine. Dans cette bataille qui passe par le démantèlement des colonies juives dans les territoires palestiniens, la destruction du mur de la honte, le droit au retour des réfugiés, le rôle de l’opinion publique internationale sera déterminant.
Gagner cette bataille là c’est donner une chance à notre futur commun et permettre à la planète de mieux respirer.
Francis CAROLE Clément CHARPENTIER-TITY