Mesdames, Messieurs les organisateurs,
Mesdames, Messieurs les représentants des délégations,
Mesdames, Messieurs,
Le PALIMA (Parti pour la Libération de la Martinique) tient tout d’abord à remercier le GIB pour son invitation et l’action constante qu’il mène pour dénoncer le colonialisme et le néocolonialisme français dans le Pacifique, en Afrique ou encore sur nos terres des Caraïbes.
Nous saluons aussi toutes les délégations et personnalités présentes à cette importante conférence.
Située dans les Caraïbes, la Martinique, patrie d’Aimé CESAIRE et de Frantz FANON, demeure, en 2024, une colonie française, au sens strict du terme.
Cette domination s’exerce dans tous les domaines de la vie quotidienne de la population Martiniquaise (politique, économique, social, sanitaire, culturel et spirituel).
Depuis quelques semaines, l’actualité en Martinique a fait le tour du monde, en raison d’une crise sociale qui porte sur la cherté de la vie.
Cette crise se veut l’expression d’un système qui, tout en proclamant à la face du monde être la «patrie des droits de l’homme», viole les droits élémentaires de nôtre peuple.
Ces violations des droits de notre peuple portent sur plusieurs questions dont la gravité est connue.
D’abord l’empoisonnement au chloredécone qui a entraîné la pollution des sols, des nappes phréatiques, des rivières et d’une partie de notre littoral. Pire !
Cette situation a entraîné des taux élevés de cancers, particulièrement du cancer de la prostate pour lequel nous occupons le premier rang mondial. 92% de la population martiniquaise a des traces de chloredécone dans le sang. La justice française a rendu un non-lieu concernant ce crime.
Notre peuple subit ce que le poète Aimé CESAIRE avait appelé un «génocide par substitution», c’est-à-dire une nouvelle colonisation de peuplement.
Les gouvernements français successifs ont en place des conditions de chômage massif, d’extrême dépendance alimentaire, de pauvreté, de bas revenus qui poussent des milliers de jeunes à quitter leur pays chaque année.
En retour, nous voyons l’arrivée constante de français qui s’installent -en bénéficiant de réseaux de soutien- spolient nos terres et se montrent de plus en plus agressifs et provocateurs à l’endroit de notre population.
L’objectif à terme consiste à nous rendre minoritaires dans notre propre pays, comme cela s’est fait en Kanaky-Nouvelle-Calédonie.
Dans ce processus de spoliation des terres martiniquaises, la justice française protège les spoliateurs et condamnent les victimes comme l’illustre l’affaire PINTO, ce Martiniquais qui, pour avoir défendu ses droits sur la propriété de ses ancêtres, a été condamné à de lourdes peines. Hervé PINTO refuse aujourd’hui de se présenter devant la justice française et a fait le choix de marronner comme jadis ces ancêtres réduits en esclavage.
La justice française protège donc les voleurs de terres et les empoisonneurs de notre peuple.
Dans le domaine social, nous sommes méprisés par la France, à tel point qu’elle n’a pas intégré toutes ses colonies dans le Charte Sociale européenne, alors nous sommes, en principe, des régions ultra-périhériques de l’Europe, devant par conséquent être de droit concernées par la Charte européenne des droits de l’homme. Mais il se trouve que nous sommes trop loin et surtout trop visiblement différents.
La crise sociale due à la cherté de la vie s’inscrit dans ce contexte global. La France poursuit dans notre pays sa stratégie de mal-développement et de soumission de notre pays aux seuls intérêts de la France.
La flambée des prix, comme en février 2009, a provoqué plusieurs nuits d’émeutes et l’envoi massif des forces de répression françaises sur notre sol national, avec un emploi disproportionné de la force contre des manifestants pacifiques.
Les relations commerciales entre la France et ses colonies, la Martinique pour ce qui nous concerne, sont basées sur le système de l’Exclusif colonial ou pacte colonial. Ce système de prédation absolue restreint les échanges commerciaux des colonies avec d’autres nations ou régions et organise un monopole de la France sur le commerce avec ses colonies.
Vous voyez donc bien que nous ne sommes pas sortis du commerce triangulaire et du système esclavagiste ! Ainsi, 80% des produits de consommation courante viennent de France et d’Europe. Le pourcentage de nos relations commerciales avec les pays de la Caraïbe, nos voisins atteint vaillamment 5% !!!
Les méfaits de ce système ont des conséquences économiques significatives graves, au profit d’une minorité de puissances d’argent et de nantis. Il s’agit de la caste béké, ces descendants de colons français, pour qui les portes du palais présidentiel et des ministères français sont ouvertes de jour comme de nuit. Cette caste vestige de l’apartheid colonial, constitue le principal relai de la présence coloniale dans notre pays.
L’économie des pays colonisés par la France est une économie de comptoir qui entrave le développement industriel, ainsi que des possibilités d’échanges avec notre bassin géographique naturel.
Notre droit au développement se voit donc bafoué.
De même, dans le domaine culturel, la France refuse la co-officialité de notre langue, au même titre que le français, ce qui constitue une négation de notre identité.
Par conséquent, le peuple Martiniquais se trouve en situation de légitime défense pour faire valoir ses droits.
Nous condamnons l’utilisation d’une violence systémique par l’Etat français dont l’objectif est de briser toute contestation du système colonial qui plonge la Martinique dans la misère, l’étranglement financier et le départ contraint des jeunes à quitter massivement leur pays.
Cette violence exercée par l’Etat français contre le peuple Martiniquais achève de renforcer un profond sentiment de rejet du colonialisme français.
Dans le contexte de la défaite de l’impérialisme français en Afrique, de révolte du peuple Kanak pour son émancipation nationale, les émeutes en Martinique ont été mis à profit pour, comme en Kanaky, renforcer la présence militaire et maintenir notre pays et notre peuple dans le carcan d’un système racialiste et anachronique.
Nous vous remercions de votre attention.
LE PALIMA
Genève, le 22/10/2024