Par Francis CAROLE
Le président de la république française, à l’issue d’une conférence européenne de soutien à l’Ukraine, organisée ce 26 février, au Palais de l’Elysée, a fait une déclaration belliciste et irresponsable qui, si elle était mise en œuvre dans toute son ampleur, marquerait l’entrée en guerre « officielle » de l’Europe et de l’OTAN contre la Russie.
Un tel acte provoquerait inéluctablement un embrasement général et une troisième guerre mondiale entraînant le risque d’un recours à l’arme atomique.
« Il n’y a pas, selon Emmanuel MACRON, de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre ».
Aussitôt, les capitales européennes ainsi que les États-Unis et l’OTAN se sont démarqués de la position française considérée comme dangereuse. En France même, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer la « légèreté » voire le caractère psychotropique des propos du président français.
Pour autant, MACRON est-il « fou » ? Ou a-t-il simplement -pour se faire une place dans l’histoire et tenter de ravir le leadership dans le soutien politique à l’Ukraine-parlé trop tôt, mettant ainsi en difficulté ses alliés face à leur opinion publique ?
Observons d’abord que ces « interventions au sol » des armées de l’OTAN existent depuis le début de la guerre en Ukraine, même si elles ne sont ni « assumées » ni « endossées » « de manière officielle ». Le fait est qu’elles existent bel et bien, reconnaît lui-même le chef de l’État français.
Les intérêts n’étant pas les mêmes, il est naturel que des divergences existent au sein des pays européens et de l’OTAN quant à la conduite à tenir sur la poursuite de la guerre en Ukraine. Mais des déclarations concordantes des capitales européennes ces dernières semaines expriment une forte convergence ainsi qu’une volonté largement partagée de préparer la guerre contre la Russie et d’intervenir directement en Ukraine.
MACRON a dit tout haut, ce qui se trame tout bas.
C’est dans le cadre de ces préparatifs que nous devons analyser la thèse, discutable et relevant manifestement de la propagande de guerre, d’une prochaine « attaque de la Russie contre un pays membre de l’OTAN ». Celle-ci a été martelée par tous les ministres de la défense de l’Union Européenne.
La « sécurité » de l’Europe, la « démocratie » le « mode de vie des Européens », voire « la Civilisation », seraient donc «menacés » par « l’agressivité russe ». On suppose, en passant, que ceux qui ont massacré au Vietnam, en Irak, en Serbie, en Libye, au nom de la « démocratie », ne sont que de doux moutons pacifiques, dépourvus de toute agressivité…
Il faut « s’apprêter à ce que la Russie nous attaque », évoque faussement le président de la République française pour justifier sa stratégie belliciste, faisant écho en cela aux prises de position précédentes de ses partenaires. D’ailleurs, un document de l’armée allemande intitulé « Alliance Défense 2025 » évoque un conflit militaire entre l’Allemagne et la Russie dès 2025 ! Au début du mois de janvier, c’est le ministre de La Défense civile suédois qui incitait la population à se préparer à une guerre de grande ampleur.
Cette préparation de l’opinion publique à la guerre est pensée collectivement, financée, planifiée, relayée largement par une presse aux ordres et à travers toutes les déclarations des responsables politiques européens.
Parallèlement, depuis quelques années les budgets militaires européens ont bondi, atteignant 314 milliards d’euros en 2022. Le « réarmement » est devenu le maître-mot et le passage à une « économie de guerre » est en cours.
Le risque de guerre généralisée n’est plus une « petite musique ». C’est un torrent hurlant d’appel pressant à un conflit majeur. Quoi qu’en disent aujourd’hui les chefs d’Etats européens, agacés par un MACRON qui veut faire cavalier seul, une majorité d’entre eux semble partager la vision irresponsable du locataire de l’Élysée, même s’ils utilisent le double langage permanent pour mieux manipuler leurs propres opinions publiques.
Il en est de même en dehors de l’Europe. Ainsi, a-t-on, ces dernières 24 heures, entendu Lloyd AUSTIN, secrétaire d’Etat à la défense des Etats-Unis, affirmer : « Si l’Ukraine tombe, la Russie sera en prise avec l’OTAN ». La menace ne peut pas être plus explicite.
La Russie s’apprête-t-elle vraiment à attaquer « un pays membre de l’OTAN » ?
Marquer ses contradictions avec les politiques de la Russie ne condamne nullement à s’abreuver dans les marigots pestilentiels de l’OTAN et de l’Union Européenne.
À ce jour, aucun fait sérieux, aucune déclaration des Russes, aucune analyse rigoureuse ne vient apporter le moindre crédit à cette thèse de « l’attaque russe » échafaudée par Emmanuel MACRON et ses alliés.
D’abord, POUTINE, qui peine déjà à régler définitivement son conflit avec l’Ukraine, n’y a objectivement aucun intérêt. Il mettrait en danger l’existence même de son régime et l’unité de son pays en prenant l’initiative d’une guerre -dont l’issue serait incertaine- contre l’OTAN.
D’autre part, l’URSS et la Russie n’ont jamais attaqué un pays membre de l’OTAN. On ne voit pas pour quelle raison existentielle POUTINE s’y hasarderait aujourd’hui.
En réalité, quoiqu’on puisse penser du régime russe, c’est bien l’Occident qui a pris l’initiative stratégique d’encercler la Russie de bases militaires au lendemain de la dislocation de l’URSS, en 1991, alors même que les dirigeants russes se disaient disposés à intégrer l’OTAN.
C’est encore l’Occident qui a alimenté l’instabilité de l’Ukraine, à partir de 2014, alors que le conflit du Donbass aurait pu être réglé par les Accords de Minsk II, format Normandie (février 2015) si la France et l’Allemagne n’avaient pas délibérément saboté leur mise en œuvre. Forfait que ces deux pays ont d’ailleurs publiquement reconnu, non sans une certaine fierté.
Il faut tout de même rappeler que la guerre en Ukraine que l’Occident déclare « ne pas pouvoir perdre » a été provoquée par l’Occident lui-même.
La confidence publique du président de la République française, derrière le flot de propagande sur la « menace russe », a au moins un mérite : elle nous révèle que c’est l’OTAN qui se prépare à attaquer la Russie et qui menace le minimum de stabilité mondiale qui -pour combien de temps encore ?- se maintient bien difficilement, dans l’attente de l’embrasement général.
Si, par malheur, par avachissement de la capacité de résistance des peuples, le monde était entraîné dans une guerre généralisée, les colonies françaises seraient directement concernées, à tous les niveaux.
C’est pourquoi il est aussi important pour nous de garder l’œil et l’esprit ouverts. Avec les forces anti-impérialistes du monde nous devons nous opposer aux politiques bellicistes qui peuvent conduire l’humanité à sa destruction.
L’Occident est prêt à tout -y compris à une guerre mondiale dévastatrice- pour maintenir l’ordre mondial actuel qui organise sa suprématie. Nos enfants ne peuvent pas aller mourir dans une guerre de l’OTAN, au service de troubles intérêts.
Francis CAROLE
MARTINIQUE
Samedi 2 mars 2024