En toute fin du mois de février, les personnels intervenant dans le cadre des Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile (SAAD), « en colère », lançaient un mouvement de mobilisation pour dénoncer « les retards de paiement de la Collectivité Territoriale de Martinique » et la médiocrité de la considération dans laquelle ils étaient tenus. Ils exigeaient aussi la mise en œuvre de l’amendement 43 à la convention collective de la branche associative de l’aide à domicile.
Ce sont ainsi des centaines d’aides à domicile et d’auxiliaires de vie, en charge de pas moins de 5000 bénéficiaires (personnes âgées et personnes en situation de handicap), qui interpelaient l’actuelle gouvernance de la CTM pour non-respect de ses obligations à leur égard.
LES SAAD C’EST QUOI ?
Les Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile, au nombre de 55 en Martinique, ont pour mission d’apporter une aide à l’autonomie des personnes bénéficiaires ( préparer les repas, faire des courses, veiller à l’hygiène des personnes, s’occuper de l’entretien du linge, maintenir le lien social…). Ils accompagnent les personnes de plus de 60 ans qui ne peuvent plus réaliser seules les actes du quotidien ou celles de moins de 60 ans en situation de handicap ou affectées par une maladie chronique évolutive.
La loi offre plusieurs possibilités dans le mode d’accompagnement à domicile, notamment :
-le gré à gré (le salarié est l’employé du bénéficiaire, donc
les SAAD n’interviennent pas),
-le mode prestataire (l’intervenant à domicile est le salarié d’un SAAD).
LE RÔLE CENTRAL DE LA CTM
Les prestations aux publics vulnérables sont en partie financées par les départements (donc la CTM en Martinique) à travers l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) ou la Prestation de Compensation du Handicap (PCH).
Par ailleurs, la loi d’Adaptation de la Société au Vieillissement (no 2015-1776) du 28 décembre 2015 (loi AVS) a procédé à une refonte importante de l’aide à domicile. Ainsi, à compter du 1er juillet 2016, il est revenu à la CTM d’accorder une autorisation aux SAAD qui, jusqu’alors, bénéficiaient d’un agrément accordé par l’Etat, à travers la DIECCTE.
Les SAAD constituent donc un maillon essentiel dans les politiques d’accompagnement à domicile. Sans exclure la nécessité d’un contrôle permanent sur leurs activités, le cahier des charges auquel ces structures sont soumises pour obtenir l’autorisation a pour vocation de garantir une prise en charge de qualité des publics concernés.
Les deux années d’épidémie de Covid (2020 et 2021) ont d’ailleurs montré à quel point ces services se sont avérés incontournables dans l’aide à nos aîné.e.s et aux personnes porteuses d’un handicap.
Conscient de l’intérêt de ces structures, le Gran Sanblé, entre 2016 et 2021, a mis en place une politique d’accompagnement de celles qui n’étaient pas encore agréées au moment du transfert de cette compétence de la DIECCTE à la CTM. Cette démarche a consisté à aider les associations qui n’avaient pas d’agrément de la DIECCTE au premier juillet 2016 à se mettre aux normes exigées afin d’obtenir, sur la base du respect d’un cahier des charges strict, l’autorisation prévue par la loi AVS.
Nous avons aussi, progressivement, porté à 19 € le tarif de référence de l’APA qui n’était que de 10,64 € en 2015, en Martinique. Précisons que cette référence plancher a été portée à 22 € à compter du premier janvier 2022 par la loi de financement de la sécurité sociale.
En outre, un dialogue permanent a été maintenu durant l’épidémie pour faire face ensemble aux difficultés. En septembre 2020, la prime Covid exceptionnelle aux SAAD (1 130 602 €) a été votée par la CTM. Enfin, à partir des difficultés rencontrées sur le terrain par ces services, un dialogue global avait été ouvert visant, au-delà des factures qui étaient alors payés, à mieux structurer les relations entre la CTM et les SAAD comme condition d’une meilleure performance de notre politique d’autonomie.
L’AMENDEMENT 43
Dans un communiqué en date du premier mars, en réponse à la mobilisation des aides à domicile et des auxiliaires de vie, le président du conseil exécutif écrit : « Par ailleurs, la CTM a engagé la procédure de paiement des compléments de salaires liés à la revalorisation prévue par l’amendement 43 de la convention collective aide et accompagnement des soins et services à domicile au titre de l’année 2022. »
Cet amendement à la convention collective de la branche associative de l’aide à domicile (BAD), signé en février 2020, a procédé, au 1 er octobre 2021, à la modification de la grille des rémunérations en revalorisant les salaires, en moyenne à hauteur de 16%. Cet amendement est applicable à tous les salariés et employeurs relevant de la convention collective de cette branche. La CTM se trouvait donc dans l’obligation de contribuer, à hauteur de 50%, au versement de cette revalorisation, l’autre partie étant assurée par l’Etat.
SE PROJETER
Contrairement à ce que semble penser les président du conseil exécutif dans son communiqué de presse, la problématique des SAAD, sur le fond, ne porte pas que sur « l’amélioration des délais de paiement ».
Après 20 mois de gouvernance du PPM, les défaillances politiques de la CTM à ce niveau ne constituent en fait que les symptômes d’une politique de l’autonomie poussive et sans ambition.
Le « Schéma de l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap », voté à l’unanimité en 2018 par l’Assemblée de Martinique, définissait pourtant clairement l’orientation stratégique, les axes de développement et les actions prioritaires d’une véritable politique de l’autonomie dont les SAAD doivent être des partenaires de tout premier plan. Bien des actions prévues, avaient commencé à être mises en œuvre sous la mandature du Gran Sanblé (conférence des financeurs etc…).
Les aides à domicile et les auxiliaires de vie n’ont pas tort quand elles écrivent sur leurs pancartes : « Métiers du domicile : nous sommes essentiel.le.s. »
Enfin, une réflexion sérieuse devra être menée au plus tôt sur les restructurations programmées dans le secteur des services à domicile. En effet, il est prévu une catégorie unique de ces entités de l’autonomie, par la fusion/rapprochement de celles qui existent aujourd’hui ( SAAD, mais aussi SSIAD et SPASAD). L’objectif poursuivi est celui de la cohérence et de la prise en charge globale dans une logique de parcours.
Quant au schéma de l’autonomie, voté en 2018, pour une durée de 5 ans, il devra être évalué et servir de base au lancement de l’élaboration du second « Schéma de l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ». Cette orientation aura pour intérêt de mieux évaluer et adapter nos politiques dans ce domaine.
Dans le contexte de vieillissement de notre population et de départ massif des jeunes martiniquais, la stratégie en matière d’autonomie constitue un axe majeur de politique publique et de développement à valoriser dans une perspective de prévention, de bientraitance de nos ainé.e.s, de respect du statut des personnels et de promotion d’une économie du bien-vieillir.
Francis CAROLE
Conseiller à l’Assemblée de Martinique.
Lundi 6 mars 2023