Le Vénézuéla au cœur de l’actualité
Le vendredi 5 avril, le PALIMA organisait une conférence-débat ayant pour thème : « De Simón Bolivar à Hugo Chávez : le Vénézuéla, l’Amérique Latine, la Caraïbe ».
L’intérêt de la question s’était imposé à nous depuis longtemps, du fait de l’exemplarité des changements intervenus au Vénézuéla de CHÁVEZ et du coup d‘accélérateur donné par celui-ci à l’intégration caraïbéenne, et à l’intégration du contient sud-américain…
La création de l’ALBA, de la CELAC sont en effet là pour témoigner de la volonté farouche de tous ces peuples de s’affranchir de la tutelle étouffante et malsaine des Etats-Unis.
Comment ne pas voir la collusion du gouvernement des Etats-Unis avec les violences meurtrières provoquées par une « opposition » qui refuse sa défaite aux élections présidentielles du 14 avril ?
Comment ne pas partager la position d’Evo MORALES, président Bolivien, qui a accusé les Etats-Unis, le mardi 16 avril, de préparer un coup d’état ?
Ila d’ailleurs ajouté, face à la provocation et à l’agression du gouvernement américain envers le « compañero» Maduro et son peuple révolutionnaire : «nous allons défendre ce peuple »
Le vendredi 19 avril, Nicolás MADURO a donc été investi président du Vénézuéla, élu démocratiquement avec 50,75% contre 48,97% pour CAPRILES.
Rappelons simplement que le scrutin du 14 avril a été suivi par cent soixante treize observateurs internationaux de l’Union des nations sud-américaines (Unasur), de l’Union interaméricaine des organismes électoraux (Uniore), du marché commun du sud (Mercosur) et du « Centre carter », du nom de l’ancien président américain qui avait jugé le système électoral du Vénézuéla comme étant le plus sûr au monde et celui des Etats-Unis parmi les plus mauvais. Ettous ces observateurs ne trouvèrent rien à redire sur le déroulement de ces élections.
Même si la victoire de Nicolás MADURO est plus étroite que ne le prévoyaient plusieurs sondages, il n’en reste pas moins qu’il a remporté des élections difficiles car devant relever le challenge de succéder à Hugo CHÁVEZ. Une victoire ne peut êtretransformée en défaite (pour mémoire, rappelons-nous l’élection de François MITTERRAND en 1981 avec 51,8% des voix et plus récemment, la réélection de Barack OBAMA avec 51% des voix) …
Cette actualité brûlante donne un éclairage plus intense à la conférence-débat qui s’est tenue le vendredi 5 avril dans l’amphithéâtre de l’Amep.
Maurice BELROSE, professeur d’université, spécialiste du Vénézuéla, directeur adjoint du journal « Justice », captiva l’assistance (plus d’une centaine de personnes dont la Consule du Vénézuéla) par sa connaissance remarquable de l’histoire de ce pays et sa passion à nous la raconter.
Il nous conta l’épopée de Simón BOLÍVAR, le héros de l’indépendance du Vénézuéla, l’époque où sept provinces sur neuf étaient favorables à l’indépendance et constituèrent autour de la charte d’indépendance, la « confédération américaine du Vénézuéla ».
Maurice BELROSE nous expliqua que le terme « américain » n’était pas anodin et reflétait la volonté de Simon BOLÍVAR d’unifier le continent Sud-Américain sous la forme d’une fédération ou d’une confédération des pays hispano-américains (le combat de Simón BOLÍVAR dépassa d’ailleurs les frontières du Vénézuéla).
Il insista en outre sur l’opiniâtreté de Simón BOLÍVAR qui jamais n’abdiqua malgré les conditions épouvantables de l’époque. La république proclamée fut en effet écrasée une première fois, ce quin’empêchapas Simón BOLÍVAR de repartir au combat afin de la rétablir l’année suivante.
Il nous parla également de la « période haïtienne » de BOLÍVAR quand PÉTION lui accorda une aide militaire conséquente, réclamant par là-même que l’esclavage soit désormais aboli au Vénézuéla, ce qui fut fait.
Ce rappel historique nous montra les similitudes existant entre Simon BOLÍVAR et Hugo CHÁVEZ en dépit de quelques différences.
En effet, Simón BOLÍVAR était un « blanc créole », d’origine sociale aisée ; Hugo CHÁVEZ avait une triple origine raciale qu’il revendiquait (noire, indienne, blanche) et était d’origine sociale très modeste.
En tous cas, ils partageaient la même volonté inébranlable de créer un lien fort entre les différentes nations d’Amérique Latine et celles de la Caraïbe et la même recherche de l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne pour Simón BOLÍVAR et des Etats-Unis pour Hugo CHÁVEZ.
Quelles ont été les réalisations d’Hugo CHÁVEZ et de son gouvernement qui ont transformé le Vénézuéla ?
C’est Sylviane CURTON, diplômée en géopolitique, membre du PALIMA, qui nous a expliqué les décisions importantes prises durant ces quatorze dernières années qui détermineront le destin de ce pays. Avec méthode et clarté, elle fixa d’abord l’itinéraire politique de Hugo CHÁVEZ, avant de parler des réalisations de son gouvernement.
Ces réalisations touchèrent tous les domaines et apportèrent des résultats spectaculaires :
-La mission Robinson I concernant l’alphabétisation qui servit à enseigner la lecture et l’écriture à 1,5 millions de citoyens en 2005, ce qui fit l’Unesco déclarer le Vénézuéla : « territoire libre d’analphabétisme ».
-La mission Barrio Adentro créa des cliniques dans des communautés où, jamais auparavant, il n’y avait de services de santé.
-La réduction de la pauvreté qui fait du Vénézuéla, le 3ième pays de la région à avoir le niveau de pauvreté le plus bas. Entre 2002 et 2012, la pauvreté a été ramenée de 48,6% à 27% et la pauvreté extrême est passée de 22,2% à 10%.
-Une réduction considérable du chômage. En 2001, le chômage touchait 13,7% de la population active ; en 2011, il ne concernait que 6,5% de la population active.
-La réforme agraire.Après la nationalisation des domaines en friche appartenant aux plus riches propriétaires, plus de trois millions d’hectares
seront redistribués à des dizaines de milliers d’agriculteurs.
Depuis 1999, le gouvernement a également remis plus d’un million d’hectares de terres aux peuples aborigènes du pays.
Sylviane CURTON insista également sur les progrès substantiels effectués dans le domaine de l’égalité homme/femme et sur l’établissement d’une démocratie avancée.
-Hugo CHÁVEZ arrive à la tête du pays en 1998 avec 56% des voix ; il organisa dès 1999 un référendum entérinant la nouvelle constitution bolivarienne qui recueillit 80% des votes.
-En 2000, Hugo CHÁVEZ est réélu avec 59,5% des voix dans le cadre de la nouvelle constitution.
-En 2002, l’opposition tenta pourtant un coup d’Etat qui échoua.
-En 2004, l’opposition met en branle une disposition prévue par la nouvelle constitution : le référendum révocatoire à mi-mandat. A cette occasion, 60% des électeurs renouvellent leur appui au président CHÁVEZ.
-En 2012, c’était sa 3ième réélection.
Une politique volontariste d’intégration régionale.
Robert LISE, enseignant en Mathématiques retraité, membre de la commission de rédaction du journal « Asé pléré an nou lité » s’attacha avec conviction à présenter les grands enjeux internationaux dans la région.
Il fit pour cela un tour d’horizon de la tendance générale vers un libéralisme débridé qui régnait en Amérique Latine, même après la fin des dictatures.
Ainsi, il évoqua l’Argentine de MENEM qui renvoya 12000 fonctionnaires, augmenta les coûts de santé.
De plus, le pays subira une très grave crise économique.
Le Mexique, qui a le maïs comme base de l’alimentation populaire, se trouva contraint d’importer des Etats-Unis, la quasi-totalité de sa consommation. En l’occurrence, le prix de ce maïs transgénique américain n’a cessé d’augmenter à cause de la production d’Ethanol aux Etats-Unis.
Dans ce même pays, on assista à la privatisation des terres des communautés indigènes qui poussa celles-ci à la révolte dans le Chiapas.
Pendant toute cette période des années 90 qui correspondent en Amérique Latine à un libéralisme généralisé, les luttes populaires s’intensifièrent, et contraignirent des présidents à la démission, en Argentine, au Pérou, en Equateur…
Ce rappel de Robert LISE fut indispensable à la compréhension de l’ampleur du tournant qu’est en train d’effectuer l’Amérique Latine aujourd’hui.
Il évoqua l’ALBA (Alliance Bolivarienne pour les Amériques) qui ouvrit un nouveau cycle de relations entre les pays de la région basées sur la solidarité et la complémentarité.
C’est ainsi que l’opération « Milagro » permit à des milliers de gens de soigner leur vue, que 2000 étudiants de plusieurs pays de la région obtinrent une bourse afin d’étudier à l’école latino-américaine de médecine.
Le projet « Telesur » cherchera à développerune indépendance de la région dans le domaine des communications.
Pétrocaribe qui vint relever le défi de l’accès équitable à l’énergie pour les pays de l’Amérique Centrale et des Caraïbes avec des aspects ambitieux comme le développement des énergies renouvelables, permit à la Caraïbe d’économiser
450 milliards de dollars et à l’Amérique Centrale d’économiser 800 milliards.
Il y a également dans l’ALBA, la volonté de généraliser les échanges hors dollar avec la création de la « banque du sud ».
Il faut y ajouter la garantie des approvisionnements, la constitution de réserves alimentaires stratégiques à l’échelle du continent afin de réguler les prix, la recherche de la certification en matière de santé.
Robert LISE termina son intervention par la présentation de la CELAC (Communauté des Etats de l’Amérique Latine et des Caraïbes) qui fut créée en 2011, regroupant tous les pays de la région (33 Etats réunissant une population de 550 millions d’habitants) hormis les Etats-Unis et le Canada. Tout un symbole.
En conclusion, la grande idée de Simón BOLÍVAR apparaît de moins en moins utopique avec les pas de géant faits ces dernières années avec comme fer de lance des pays comme le Vénézuéla, Cuba, la Bolivie …
La victoire de Nicolás MADURO s’inscrivant dans la continuité et l’approfondissement de l’œuvre de CHÁVEZ, prend donc une importance historique tant la possibilité d’une autre « Amérique » est désormais palpable.
Clément CHARPENTIER-TITY
Francis CAROLE