La Martinique revient de loin
Dans son histoire politique, la Martinique a connu une période, pas si lointaine, où les thèses assimilationnistes prospéraient jusqu’au grotesque ; rappelez-vous entre autres « l’heure d’été » qui avait été appliquée à la Martinique…
Mais la situation politique de notre pays n’est pas restée figée. Partout, des brèches salutaires se sont ouvertes permettant au peuple martiniquais de s’affirmer de plus en plus en tant que tel ; on peut ainsi citer :
– Le combat pour la reconnaissance de la culture martiniquaise
– Les progrès indéniables dans la recherche historique concernant notre pays
– Le combat pour la langue martiniquaise, son écriture, son enseignement
– Le combat politique pour notre reconnaissance en tant que peuple et nation
– Le combat politique pour que le peuple Martiniquais devienne acteur de l’évolution
des institutions, du statut de son pays.
Ce sont ces mêmes idées qui ont présidé à la création de partis authentiquement martiniquais, de syndicats authentiquement Martiniquais.
Ces luttes ont créé dans notre peuple un autre état d’esprit, lui permettant désormais d’envisager d’autres pas en avant.
Or, ces jours-ci, par faillite idéologique et pour des raisons essentiellement opportunistes, nous voyons poindre à nouveau les vieilles thèses éculées de l’assimilationnisme. Le néo-ppm, qui s’apprête à régenter la célébration de la naissance du grand Martiniquais qu’est Aimé CÉSAIRE, est le premier à bafouer l’un de ses enseignements fondamentaux sur la question de l’application du droit commun français en Martinique.
En fait, tout le monde a compris que ces rentiers qui se réclament de CÉSAIRE sur les tréteaux électoraux, cherchent uniquement à profiter, au-delà du raisonnable, de l’aura de ce grand homme, mais n’en n’ont que faire de sa pensée, de ses réflexions qui sont pourtant fécondes.
C’est ainsi que ces politiciens de petite envergure n’ont trouvé d’autres parades pour masquer leur coup-bas (vouloir ajourner, une fois de plus, la date de mise en place de la collectivité unique en prétextant le renvoi des élections régionales et cantonales en France) que de se vautrer sans retenue dans les tréfonds ou bas-fonds de l’assimilation que même l’Etat Français n’ose plus défendre ouvertement.
Que pensait Aimé CÉSAIRE de l’application du « sacro-saint » droit commun français en Martinique ?
Se référant au même article 73 de la constitution française qui régit encore notre pays, Aimé CÉSAIRE n’y voyait pas une obligation pour la Martinique de se conformer à tout ce qui était prévu pour la France.
Dans son intervention du 15 Décembre 1982 à l’Assemblée Nationale Française où il critiquait l’interprétation restrictive du Conseil Constitutionnel abrogeant la loi Emmannuelli (loi qui prévoyait déjà la création d’une assemblée unique en Martinique), Aimé CÉSAIRE argumentait ainsi ( n.d.l.r : nous publions de larges extraits de cette intervention) :
« Quant aux arguments juridiques mis en avant pour rejeter le projet d’assemblée unique, ils ne tromperont personne et ne convaincront que ceux qui étaient déjà convaincus. Adaptez, nous dit-on, tant que vous voudrez mais vous n’avez pas le droit de modifier. Il s’agit là d’une hypocrisie.
Comment, en effet, adapter sans modifier ?
Eh bien, certains ici sont pour la spécificité, à condition que le spécifique ne sorte en rien du droit commun et se confonde avec l’uniformité »
Aimé CÉSAIRE va ensuite démontrer par des exemples, l’inanité d’une telle position :
« Qu’a-t-on fait quand on a décidé qu’à Saint-Pierre et Miquelon, département d’Outre-Mer, les élections au Conseil Général se feraient à la proportionnelle, et non selon la division cantonale traditionnelle ailleurs ?
Qu’a-t-on fait lorsque par un simple décret du 29 Avril 1960, le gouvernement a donné aux conseils généraux des départements d’Outre-Mer, et en dehors du droit commun, des pouvoirs nouveaux spécifiques et de portée non négligeable ?
A-t-on vu alors les conseillers généraux se cabrer ? »
Aimé CÉSAIRE continuait sa démonstration en ces termes :
« Ma mise en garde concerne la nouvelle religion que je vois se lever depuis quelques temps, qui n’est en fait qu’une forme « new-look » ou « néo » d’une ancienne religion. Celle-ci a ses dévots. Elle a même ses temples, si j’en juge par les dernières décisions du conseil constitutionnel ou d’après certains débats au Sénat. Je veux parler de la religion de l’assimilation. Cette religion ne peut être la nôtre. »
Un tel degré de reniement aujourd’hui des dévots de la religion de la soumission, en contradiction flagrante avec la pensée d’Aimé CÉSAIRE, risque de nous replonger dans cette idéologie réactionnaire qu’est l’assimilation ; ce qui faisait d’ailleurs sourire ironiquement le président de la république française, François HOLLANDE, qui disait, en conclusion de ses propos de début d’année, que « l’Outre-Mer » serait même plus attaché que d’autres aux principes de la république française…
En conclusion, que ceux qui nourrissent à nouveau ce funeste dessein pour notre peuple ne soient pas surpris que tout s’effondre autour d’eux, laissant apparaître leurs seules cupidité et avidité. En effet, on n’ a jamais vu un peuple « choisir » de faire marche arrière de son propre gré.
Sources : Aimé CÉSAIRE, député à l’Assemblée Nationale 1945-1993 d’Ernest Moutoussamy (l’Harmattan)
Clément CHARPENTIER-TITY
Francis CAROLE
Le 15 janvier 2013