Dans une lettre adressée au premier ministre et au ministre des « outre-mer » de la France, Serge LETCHIMY se désespère de ce qu’il semble considérer comme une trahison de l’Etat à l’égard des dernières colonies.
En effet, suite à la tenue d’un Comité Interministériel des Outre-Mer (CIOM) sans la présence des élus de ces territoires, il dénonce une « falsitication de l’œuvre de Gaston MONNERVILLE, de Léopold BISSOL, de Raymond VERGES et d’Aimé CESAIRE, pour qui la départementalisation n’était pas synonyme de mise sous tutelle, mais d’égalité des droits, de reconnaissance de l’ambition d’émancipation territoriale, de l’espérance et de l’esprit d’initiative infatigable des peuples d’Outre-mer. »
On peut raisonnablement douter que les colonisateurs, en 1946, aient partagé les mêmes illusions d’ « égalité », de « reconnaissance, « d’émancipation » et d’ « espérance » dont l’actuel président du conseil exécutif de la CTM rêve encore.
Plus prosaïquement, la départementalisation n’a été qu’un nouvel habillage des dernières colonies pour, dans un contexte de contestation mondiale de l’ordre colonial classique, préserver les intérêts stratégiques de l’impérialisme français dans les différents océans. Rien de plus. Que Victorin LUREL ait eu à faire voter en février 2017 une loi sur « l’égalité réelle outre-mer » en dit long sur la nature de nos rapports avec la France.
Il n’y a jamais eu de la part de l’Etat français une vision et une volonté de développement cohérent de nos pays ni une ambition de justice et d’égalité pour nos peuples. C’est un simple constat. Nous sommes une colonie et la France nous traite comme ses colonisé.e.s.
Il y a donc quelque chose de surréaliste à voir des responsables politiques se lamenter d’être traités avec une telle désinvolture par l’Etat colonial alors qu’ eux-mêmes ils alimentent une logique de la soumission.
Le CIOM (Conseil puis Comité Interministériel des Outre-Mer), créé par Sarkozy en 2009, après le mouvement social de la même année, n’a pas rompu avec la logique coloniale. Il s’agit en réalité d’un « machin » destiné à créer l’illusion d’une action des gouvernements français successifs dans nos différents pays.
Ainsi, des Etats Généraux de l’outre-mer (avril à octobre 2009) avec les 137 mesures qui en ont découlé, jusqu’aux Assises de l’outre-mer (octobre 2017 à mars 2018) qui a abouti aux fameux « Livre bleu outre-mer », rien n’a changé. De manière récurrente, les mêmes thématiques, (vie chère, développement économique, sécurité, amélioration du quotidien, continuité territoriale…) reviennent comme autant de mantras…sans solutions pertinentes et durables.
Dans l’intervalle des CIOM, la Martinique s’est enfoncée dans la crise. Sa jeunesse fuit l’impasse des politiques coloniales, la paupérisation gagne du terrain, l’économie du narcotrafic prospère, la stratégie de recolonisation de peuplement se renforce et la désespérance s’installe.
Valls peut bien se gargariser de mots en prétendant « refonder la relation entre l’hexagone et ses territoires d’outremer »-comme d’ailleurs Macron, il y a une décennie, qui avait proclamé le « renouveau de l’outre-mer »-c’est la décolonisation de la Martinique qui doit être à l’ordre-du-jour, pas de simples replâtrages qui aboutiront au même néant.
Ce n’est point l’heure de se larmoyer sur les rêves échoués d’égalité ni d’invoquer les mânes de CESAIRE, VERGES, MONERVILLE OU BISSOL.
Le prochain congrès des élus, s’il se veut « de rupture », devra poser clairement le droit à l’autodétermination du peuple martiniquais et définir un protocole d’accord vers la décolonisation.
Le temps est venu de faire exploser le bocal colonial.
Le PALIMA
Francis CAROLE
Mercredi 16 juillet 2025


