Ce samedi 17 février, nombreux étaient les Martiniquais présents sur les lieux de la commémoration de la grève des ouvriers agricoles de février 1974 à s’interroger, souvent bruyamment, sur la présence du préfet de Martinique à cette cérémonie.
Certes, on peut supposer qu’il y avait été invité. Mais au nom de quoi ? Pour quoi faire ? Pour dire quoi ? Pour donner sens à quoi ?
En février 1974, des femmes et des hommes qu’on voulait maintenir dans des conditions néoesclavagistes se sont dressés pour refuser l’empoisonnement, exiger des conditions de travail et des salaires dignes et proclamer leur humanité.
Ils furent traités comme des animaux, à coups de balles, par l’État colonial français, sous l’ordre direct du préfet de l’époque. Le prétendu « pays des droits de l’homme » abattait ainsi froidement Rénor ILMANY et Georges MARIE-LOUISE. Ce dernier avait été préalablement torturé par les gendarmes français.
FÉVRIER 1974 était dans la continuité d’une gouvernance du mépris et de la brutalité contre des femmes et des hommes qui n’exigeaient que le droit au respect. Comme en FÉVRIER 1900 et ses dix ouvriers fusillés par la gendarmerie; comme en MARS 1961 avec ses trois morts.
Nos morts.
Jamais aucune enquête ne fut ouverte contre ces assassinats gratuits, contre cette sauvagerie au nom des « l’ordre » et, surtout, des intérêts békés. Jamais il n’y eut même d’hypocrites excuses envers les familles des victimes.
Rien, sinon le silence, le cynisme, le mépris et la poursuite des exactions de l’État français encore aujourd’hui ! Ce ne sont que des nègres après tout. Pas de quoi faire un plat, n’est-ce pas ?
Et, en ce samedi de commémoration, le préfet n’eut aucun complexe à rappeler -là, à cette occasion solennelle où nous rendions hommage à nos morts- sa fonction de « maintien de l’ordre ». Le « maintien de l’ordre » exigeait-il que l’on torturât MARIE-LOUISE et qu’on l’assassinât, lui et ILMANY ?
Nous ne nous réclamons pas de la haine, ni de l’adoration éternelle des plaies de l’Histoire. Nous proclamons simplement notre droit au respect et au respect de nos morts.
L’hommage à nos morts n’est pas une fête patronale où les corps d’État viennent plastronner, la cravate légère et la conscience tranquille.
Ceux qui ont invité le préfet à cette commémoration ont commis une faute politique et une faute contre la mémoire de nos luttes.
Certes, dans l’histoire conflictuelle des êtres humains, le temps des réconciliations survient toujours. Mais aucune réconciliation n’est possible si elle n’est pas précédée, en paroles et en actes, de la reconnaissance des crimes par les bourreaux, de la vérité sur ces crimes, d’une demande de pardon et des réparations qui s’imposent.
Nous en sommes loin pour l’heure.
Francis CAROLE
MARTINIQUE
Samedi 17 février 2024