La « question de la terre », depuis des décennies, n’a jamais quitté l’actualité. Elle n’est donc pas nouvelle.
L’accession à la terre, au lendemain de la fin du système esclavagiste, a constitué une forte aspiration des descendants des Africains puis des Indiens déportés en Martinique.
Depuis plusieurs décennies, le foncier martiniquais est devenu un objet de spéculation qui entraîne toutes sortes de dérives et alimente un système de corruption dans la passivité, voire la complicité, des pouvoirs publics.
La proposition de passer à l’article 74, lors de la consultation de 2010, répondait, chez les patriotes et les autonomistes authentiques, à la volonté de trouver les moyens, même limités, permettant d’apporter des réponses au génocide par substitution, à la spéculation foncière et aux autres maux qui menacent l’existence même de notre nation.
Nous n’avons pour autant jamais considéré que l’article 74 équivalait à la décolonisation du pays ! Loin de là ! D’autres luttes seront nécessaires pour libérer complètement notre pays de la domination coloniale française. Seulement, l’adoption de la spécificité législative pouvait nous permettre de sortir de l’identité législative de l’article
73, lequel rend applicables de plein droit les lois et règlements conçus pour la France qui ne correspondent pas nécessairement aux intérêts fondamentaux de notre pays.
Il nous semblait en effet évident que l’exiguïté de notre pays, l’urgence de préserver nos terres, le rapport démographique entre la France et la Martinique, notre existence en tant que peuple et les exigences de notre souveraineté alimentaire commandaient des mesures exceptionnelles dans le domaine du foncier.
Nous cherchions en conséquence des réponses politiques globales à des situations d’urgence et à la lente et dangereuse dépossession en cours de nos terres. Celle-ci entraine une ghettoïsation espacio-raciale qui a eu tendance à s’accentuer au fil du temps.
C’est dans le cadre de cette démarche de résistance que, dès 2007, à l’occasion des élections législatives, le PALIMA proposait de réglementer la vente des terres en Martinique en sortant du cadre des lois françaises et en accordant un statut particulier au foncier dans notre pays (voir document ci-joint).
Certes, il faut lutter pied à pied contre la spéculation foncière, convaincre les Martiniquais.e.s de ne pas vendre leurs terres dans ces opérations, multiplier les luttes populaires dans ce domaine. Mais, au-delà, sans l’obtention d’un véritable statut du foncier en Martinique notre position restera fragile et le processus de dépossession en cours se poursuivra implacablement.
Francis CAROLE
Mercredi 24 janvier 2024
Extrait de la PROFESSION DE FOI DE FRANCIS CAROLE LORS DES LÉGISLATIVES DE JUIN 2007.