Par Francis CAROLE
Au lendemain du coup d’État au Niger, Emmanuel Macron, dans la posture du matamore de village, a menacé d’une intervention militaire « immédiate et intraitable » « quiconque s’attaquerait aux ressortissants, à l’armée, aux diplomates et aux entreprises françaises. »
Seulement, ce langage et ces rodomontades passent de moins en moins en Afrique où des hommes et des femmes courageux.ses se dressent désormais contre l’arrogance coloniale. Derrière un style qui se veut « moderne », et malgré son jeune âge, le président français est un homme du 19 ème siècle qui n’a pas compris -même si la France va de déconvenue en déconvenue en Afrique-que le colonialisme de papa était fini. Il ne suffit pas de boire une bière dans une boîte de nuit au Congo pour être dans le coup.
Force est de reconnaître que le Burkina Faso et le Mali ont répondu à hauteur d’Histoire aux provocations françaises, en avertissant, dans un communiqué commun, « que toute intervention militaire contre le Niger serait considérée comme une déclaration de guerre » contre leurs pays. La Mauritanie quant à elle a affirmé apporter « son soutien au peuple nigérien et a fait savoir à l’UE que toute intervention sera prise comme une déclaration de guerre » contre elle. Les positions officielles des gouvernements algérien et guinéen, sans aller aussi loin, mettent aussi en garde contre une attaque française contre le Niger. Ces réactions face aux menaces impérialistes sur le continent africain sont, reconnaissons-le, assez nouvelles dans leur ampleur et porteuses d’un espoir de changement profond dans la lutte contre la FrançAfrique.
Tout au long des précédentes décennies, le colonialisme français a multiplié les opérations militaires en Afrique et installé au pouvoir ses fantoches, gardiens tragi-comiques du pillage de leurs propres pays et de l’humiliation de leurs propres peuples. On retiendra en particulier, dans la chronologie récente :
-l’ingérence dans les affaires intérieures de la Côte-d’Ivoire, en 2011, avec l’arrestation du président sortant, Laurent Gbagbo, et l’installation d’Alassane Ouattara à la tête de l’État;
-ou encore, toujours en 2011, dans le cadre des complicités françaises avec l’OTAN, l’assassinat du leader libyen, Mouammar Kadhafi, laissant la Libye entre les mains des forces les plus obscures, celles-là mêmes que Paris prétend combattre dans le Sahel.
Ce bref rappel ne saurait laisser sous silence les complots incessants contre les régimes progressistes et le soutien à tous les réactionnaires du continent africain. Il en va ainsi, au Rwanda, du parrainage du régime de Juvénal Habyarimana responsable du génocide des Tutsis qui fit, en 1994, plus de 800 000 morts.
Ces meurtres et agressions, ce mépris constamment revendiqué (« L’homme africain n’est pas entré dans l’Histoire »), ce paternalisme pestilentiel, sont la marque d’une idéologie française vieille de plusieurs siècles qui continue de s’accrocher au présent. Au-delà du pillage de l’uranium nigérien et des richesses de l’Afrique en général, la France ne conçoit ses anciennes colonies que comme sa chose, sa propriété, au service de son seul développement, et « en sous-développant l’Afrique », comme le rappelait Walter Rodney. Quant aux Africains, ils peuvent bien crever dans la Méditerranée sans que cette tragédie ne soulève un poil de compassion chez les gouvernements européens !
C’est pourquoi les positions courageusement exprimées par le Burkina Faso, le Mali, la Guinée, l’Algérie et la Mauritanie sont si importantes dans la défense de la dignité africaine aujourd’hui.
On trouvera sans aucun doute des complices, comme la Cédéao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), les Allassane Ouatara et autres Macky Sall pour jouer le rôle de derniers agents du néocolonialisme. Ainsi, la Cédéao évoque le « retour à l’ordre constitutionnel au Niger » et à la « légalité », mais un pouvoir qui se soumet aux intérêts du colonialisme au détriment du bonheur de son peuple est, moralement, un pouvoir illégal.
Quand un pays africain ose se révolter contre les stratégies visant à le maintenir dans la dépendance, la misère et l’humiliation, il est aussitôt puni par des sanctions économiques qui visent à le mettre définitivement à genoux. C’est ainsi que, dès ce mercredi, la Banque Mondiale, le bras financier de l’empire, a suspendu les déboursements pour toutes ses opérations concernant le Niger. Au moment où se tiendra, à la fin du mois d’août, un sommet historique des BRICS, il appartient aux forces de progrès de l’Afrique d’imaginer des alternatives permettant de contourner la dictature économique et financière de l’Occident et de la Banque Mondiale.
Il reste que les mesures financières aussi immondes que cupides prises contre le Niger ne feront qu’attiser la haine des peuples à l’égard de leurs bourreaux.
Dès lors, on ne s’étonnera guère de voir des manifestants brandir des drapeaux russes, davantage d’ailleurs pour exprimer leur rejet de la France, de l’OTAN et de l’Occident que par désir de soumission à la Russie…même si, pour notre part, nous considérons que seuls les drapeaux des peuples africains en lutte devraient être brandis lors des actes de résistance africaine.
L’Afrique et, plus largement, la Caraïbe, l’Amérique dite latine (elle est tout aussi amérindienne et africaine) ou encore les peuples du Moyen-Orient et de l’Asie doivent utiliser à leur profit les contradictions entre les puissances dominantes, sans pour autant se soumettre à elles. C’est la condition même de leur développement et de leur souveraineté.
Assistons-nous aujourd’hui à un tournant majeur vers la Renaissance africaine ? Ou n’est-ce que le souffle d’une saison d’espérance comme il y en a tant eu ? Le temps nous le dira. Il n’en reste pas moins que nous devons suivre avec une attention soutenue les nouveaux développements politiques qui se font jour sur le continent de Thomas Sankara et, sous une forme ou une autre, contribuer à attiser les embrasements salutaires.
Francis CAROLE
MARTINIQUE
Vendredi 4 août 2023
BRICS : Groupe de pays composé du Brésil, de la Fédération de Russie, de l’Inde, de la République populaire de Chine et de la République d’Afrique du Sud.
Walter Rodney : militant de la cause noire, historien, homme politique du Guyana, il fut assassiné en juin 1980, à l’âge de 38 ans. Parmi ses ouvrages : « Et l’Europe sous-développa l’Afrique».