Budget 2023 : Un parcours du combattant fait de sacrifices pour réduire le déficit et toujours aussi peu de transparence
Le conseil municipal de Fort-de-France a tenu une séance le jeudi 13 avril dernier dominée par les questions budgétaires.
A l’ordre du jour : le compte de gestion du Payeur, le compte administratif 2022, le budget primitif 2023, la reprise des résultats 2022, la fixation des taux d’imposition, la constitution de provisions diverses, etc. Un vote important.
Un compte administratif encore en déficit
Le déficit est encore de 32,8 M€ (millions d’euros) en 2022 contre 53,3 M€ (millions d’euros) en 2021. On est encore loin d’un retour à l’équilibre à l’horizon 2025 demandé par la Chambre régionale des comptes(CRC), le Contrat de redressement outre-mer(Corom, càd l’Etat) et la Préfecture.
Premier exercice, l’examen du compte administratif 2022, c’est-à-dire la manière dont le budget primitif de l’an dernier a été exécuté.
En fonctionnement, les recettes ont été exécutées à 79 %, soit 188 M€ et les dépenses à 104 %, soit 215,4 M€.
L’investissement été exécuté à 24 % en recettes, soit 27,1 M€ et à 64 % en dépenses, soit 44,3 M€. Pas brillant.
Que s’est-il passé ?
i.En fonctionnement la Ville tout de même a vu ses recettes augmenter de 34 % par rapport à 2021 : subventions exceptionnelles (+ 938 %), impôts et taxes (+ 4,67 %) avec un apport de l’octroi de mer important de 44,4 M€ (+ 6,36 %) et des impôts locaux de 54,5 M€ (+3,9 %), les produits et service du domaine communal (+5%). Par contre, la dotation globale de fonctionnement de l’Etat a continué de reculer. C’est vrai que cela fait une perte cumulée de 38,8 M€ depuis qu’en 2013 François Hollande a mis en place cette politique de serrage des collectivités locales pour que la France respecte les 3 % de déficit public du Produit Intérieur Brut (PIB) imposé par l’Europe capitaliste. Macron a continué en 2017.
2- Par contre, les dépenses de fonctionnement n’ont augmenté que de 5 %. Les charges de personnel ont encore progressé de 28 %, soit 136,6 M€, essentiellement à cause de l’obligation de payer des arriérés de cotisations sociales et de la prise en compte du relèvement du point d’indice en cours d’année 2022.
Dans le même temps, les charges à caractère général ont subi une coupe de 29 % touchant les dépenses d’eau (- 46 %), , de charges locatives (-55 %), de frais de maintenance ( – 32 %), soit 7,1 M€ en moins par rapport à 2021. De même les autres charges de gestion courante ont dû reculer de 24 % : Sermac (-18 %), associations (-14 %), parc naturel de Martinique (-33%), etc. Une baisse de 7,1 M€. Des sacrifices imposés à la population pour payer la mauvaise gestion passée.
,ii- En investissement, on remarque que les recettes ont diminué de 0,46 % alors que les dépenses ont bondi de 28,5 %. Soit 6,9 M€ contre 29,5 M€. Un écart considérable.
1- La relative baisse des recettes vient du fait que la ville n’a pu, par décision du Corom, emprunter que 1 M€ contre 5 M€ les années précédentes. Cependant elle a bénéficié de concours en hausse de l’Etat et autres financeurs :
– Dotations et fonds divers : + 254,2 %, soit 3,9 M€ contre 813 000 € l’année précédente. Le FRDE (fonds régional pour le développement économique) qui est une fraction de l’augmentation annuelle de l’octroi de mer dédiée à l’investissement est passé de 143 000 € à 1,3 M€ ;
– Subventions d’investissement : + 194,6 %, soit 3 M€ au lieu de 1 M€. Les subventions reçues de l’Etat ont fait une percée de 461,9 % pour participer à la relance de travaux arrêtés depuis de nombreuses années : pont Viard, Savane, morne Calebasse, bâtiment administratif de la Mairie, etc…
Les subventions de l’Etat ont donc doublé, voire triplé. Message politique ? En tous cas, c’est l’Etat qui choisit ce qui est prioritaire et non la municipalité.
2- En dépenses d’investissement, il faut relever que les dépenses d’équipement et de travaux sont passées de 2,2 M€ à 5,7 M€, soit + 155,2 %, grâce aux contributions de l’Etat :
– éclairage public : 1,6 M€ ;
– travaux de voirie et réseaux divers : 1,05 M€ ;
– Bâtiments communaux, écoles, etc.
En conclusion ce compte administratif 2022 accuse un déficit tant en fonctionnement (- 15,1 M€) qu’en investissement ( – 17,1 M€). Les recettes ont cependant été abondées par une augmentation des recettes fiscales, particulièrement l’octroi de mer. Les subventions de l’Etat ont été nettement relevées. Et les charges de gestion ont dû être laminées alors que les dépenses de personnel n’ont pas diminué. Tout cela explique la diminution du déficit de 20,5 M€ entre 2021 et 2022.
Un budget primitif 2023 en recul et toujours en déficit
Ce qui domine, c’est que cette prévision budgétaire sur 2023, telle que présentée au rapport de la majorité municipale, est en baisse de 10,7 % par rapport à 2022 en dépenses et de 8,5 % en recettes. Ce budget ne comporte que peu de justifications des sommes présentées qui sont singulièrement plus optimistes que celles du Corom (contrat de redressement de l’outre-mer), c’est-à-dire l’Etat, auquel la ville reste soumise pour obtenir des soutiens.
Le budget principal se monte en dépenses à 152,6 M€ en fonctionnement +57,5 M€ en investissement, soit 210,1M€ contre 171,0 M€ pour le Corom. Soit 38 M€ et 18,1 % en moins. Le déficit prévu est de 24,6 M€ pour le projet municipal, uniquement en investissement, et de 23,5 M€ pour le Corom réparti entre le fonctionnement (-17,4 M€) et l’investissement (- 6 M€).
En recettes, il est affiché par la majorité PPM un budget à 168,4 M€(F) + 50,3 M€(I), soit 218,7 M€ contre 185,2 M€ pour le Corom. Soit 33,5 M€ en moins et – 15,3 %. Pas d’explications sur ces différences considérables dans les prévisions.
I- Les recettes
1- Les recettes réelles de fonctionnement baissent de 204,1 M€ en 2022 à 163 M€ en 2023. Elles sont estimées à 151,2 M€ par le Corom. Soit près de 12 M€ de moins.
En 2023, le montant des produits fiscaux est estimé à 121 726 102 € pour 117 587 331,00€ au BP 2022, soit une progression de +3,5%.Cette vision optimiste n’est confortée par aucune démonstration. Pour le Corom, c’est une prévision de 112 237 351,43 €, soit 9,5 M€ en moins.
2- Les recettes d’investissement marquent par contre une large progression par rapport à l’exercice précédent : +41,03%. Soit 43,1 M€ en 2023 contre 29,3 M€ en 2022. L’estimation du Corom n’est que de 22 M€. Soit près de moitié moins.
Il est allégué les explications suivantes sur ces progressions :
a) L’inscription au chapitre 23 des cofinancements importants : – subventions d’investissement pour les opérations d’investissement d’envergure prévues sur l’exercice (Convention CTM, Eclairage public, Forêt de Montgérald et glissement de terrain morne calebasse, etc).
b) Le montant prévisionnel des dotations et fonds divers en augmentation de +186,67% par rapport à 2022 ;
c) L’évaluation des recettes des cessions 2023 de l’ordre de 4,18M€ contre 3,2 M€ au BP 2022. Le Corom(l’Etat) estime l’effort à réaliser à 4,5 M€®.
II- Les dépenses
1- Les dépenses réelles de fonctionnement sont en nette diminution par rapport à l’exercice 2022, de -21,06% (recettes : – 20,2 %).
Elles sont de 182,7 M€ contre 144,2 M€ en 2022. L’estimation du Corom est plus faible : de 135,6 Me, soit – 41,1 M€.
A noter que les charges de personnel augmentent de 96 M€ à 136,7 M€(+ 42,4 %) en 2023. L’estimation du Corom est de 93,4 M€, soit 43,3 M€ en moins. Pas d’autre explication sur cette hausse que l’évolution du point d’indice en année pleine.
2- Les dépenses réelles d’investissement marquent une forte progression : +32,92% par rapport à l’exercice 2022.
Explication apportée, l’évolution des deux principaux postes de dépenses d’investissement :
– immobilisations en cours : +122,98% par rapport à l’exercice 2022 ;
– immobilisations corporelles : +108,63% par rapport à 2022.
Il est indiqué que « l’année 2023 porte le lancement, et la poursuite de grands chantiers municipaux, dont la réalisation est permise et encadrée par divers partenariats financiers (prêts long terme, préfinancements…) et institutionnels (subventions, conventions pluriannuelles…) ».
Pas d’autres explications sur ces partenariats financiers qui paraissent providentiels. La présentation orale appuyée sur un PowerPoint a été plus détaillée sur ces « grands chantiers ». Ce document a été réclamé par l’opposition. Mais finalement peu de transparence. C’est encore l’opacité financière.
Au cours du débat la majorité a repris son argumentation habituelle sur la responsabilité unique de l’Etat dans la situation financière catastrophique de Fort-de-France passant par pertes et profits la sévère critique de la Chambre régionale des comptes sur la « gestion dispendieuse »(dixit) et les nombreuses falsifications(« insincérités ») des comptes de la gestion du PPM depuis les années 2000.
Le Maire Didier Laguerre, répondant à l’interpellation de l’opposition sur la question de savoir si la municipalité évoluait vers un retour à l’équilibre en 2025 comme exigé par la CRC et le Corom, a assuré que la trajectoire était positive. Sur les différences de prévision avec le Corom, il a préféré fustiger la rigidité du Corom qui n’aurait pas tenu compte de l’inflation dans ses évaluations.
Conclusion : Comme beaucoup de communes la situation financière de Fort-de- France résulte certes en partie des politiques restrictives de l’Etat et de la situation sociale dégradée du pays (cf. récent rapport de l’Agence Française de Développement-AFD- Justice ns 14 et 15). Mais elle découle conjointement de la mauvaise gestion du PPM et non pas d’un « désarroi budgétaire », comme l’a défendu un conseiller, c’est-à-dire la fatalité et la seule politique de l’Etat colonial. Ce que l’actuelle majorité néo-PPM ne veut point entendre.
Le groupe Fok Sa Chanjé Fodwans s’est abstenu ne voulant pas entraver le douloureux retour à l’équilibre de la Ville mais sans approuver la mal-gestion de la majorité politique actuelle en place. Il faudra bien que cela change à Fort-de-France.
Michel Branchi
Conseiller municipal Fok Sa Chanjé Fodfwans