Au bout d’une procédure parlementaire chaotique, de plusieurs mois de mobilisation des syndicats unis et d’un refus populaire très large de la réforme des retraites, le gouvernement français entend jouer une prétendue “légitimité des institutions” contre ce qui est appelé avec mépris « la foule ».
De fait, comme pour le mouvement des Gilets Jaunes, le président de la république opposera, au nom de cette prétendue « légitimité institutionnelle », la violence de l’État contre des millions de femmes et d’hommes considérés dès lors comme des « factieux » potentiels.
Cette violence, de même que l’arsenal des moyens médiatiques et judiciaires dont dispose l’ État, est au service d’intérêts qui dépassent le simple champ du débat rationnel sur la politique des retraites en France. Le président français est l’agent zélé d’intérêts qui ne conçoivent le monde qu’à travers l’exploitation sans limites des plus faibles et le pillage des pays dominés.
Ainsi, la référence d’E.Macron à l’assaut du Capitole par les partisans de Trump en janvier 2021 ou encore à la tentative de coup d’Etat contre Lula par les supplétifs de Bolsonaro, en janvier 2023, illustre bien l’état d’esprit et la radicalité d’un président de plus en plus isolé politiquement, embastillé dans ses certitudes et ses postures.
Emmanuel MACRON ne conçoit plus le pouvoir que comme l’exercice de la coercition contre un peuple, selon lui, incapable de comprendre les explications qu’on lui donne et rétif à l’effort de « responsabilité ».
C’est ainsi qu’il faut lire la stratégie de fuite en avant définie par ce qui reste de la majorité présidentielle après le recours à l’article 49.3 et la motion de censure du lundi 20 mars.
C’est un défi hasardeux lancé au peuple, dans un contexte lourd de tensions et d’inquiétudes sur l’avenir, à cause de l’inflation ou encore des risques de guerre. Une partie de plus en plus importante de la population française éprouve du mal à comprendre que des milliards soient dépensés pour une guerre qu’elle ne considère pas comme la sienne, alors même qu’on lui demande d’indicibles sacrifices pour équilibrer « les comptes de la nation ».
L’erreur de jugement fatal du président français est de ne pas avoir compris qu’il est perçu comme un président par défaut. Les conditions de son élection en 2022, pour un second mandat, face à l’extrême-droite, le prive du niveau de légitimité nécessaire pour prétendre imposer brutalement sa manière de voir, contre l’opinion de la majorité de la population.
Cette légitimité se voit d’autant plus contestée que, sur le plan international, la France macroniste apparaît comme une puissance de plus en plus affaiblie, un supplétif des États-Unis. La révolte des peuples africains contre l’ordre néo-colonial français ajoute aux déconvenues du locataire de l’Élysée et contribue à ternir son image. Le dernier épisode de Macron au Congo n’est d’ailleurs pas des moins tristes.
L’Histoire, pour accoucher de l’avenir, a parfois besoin de se débarrasser du corset des institutions en place.
Certes, on ne voit apparaître à l’horizon ni un Marat, ni un Robespierre, ni des sans-culottes. D’ailleurs, aucun des dirigeants du mouvement de contestation ne semble vouloir remettre en question « l’ordre républicain ». Emmanuel Macron ne se pense donc pas, a priori, menacé. Il provoque. Il allume des incendies. Et il attend que la situation pourrisse. Il est convaincu que personne ne viendra le chercher…
Cependant, cette stratégie, aussi périlleuse qu’irresponsable, qui vise à tenter d’épuiser la résistance des travailleurs, peut avoir pour effet inverse d’attiser les colères, de renforcer les mobilisations et d’accélérer l’éclatement de la majorité relative en place. On pourrait alors aboutir à une crise de régime dont la résolution exigerait bien plus que le retrait de la loi, le remaniement du gouvernement ou en encore la dissolution de l’Assemblée nationale…
L’entrée plus massive de la jeunesse dans le mouvement social depuis l’adoption de la loi sur la réforme des retraites par le 49.3, l’ampleur de la mobilisation de ce jeudi 23 mars, laissent penser que c’est MACRON qui sera peut-être pris au piège du temps. Tout dépendra, hors événements irréparables survenant en cours de manifestations, de la capacité du mouvement populaire unitaire à durer et à inventer les armes de sa victoire.
Francis CAROLE
Jeudi 23 mars 2023.
MARTINIQUE