De plus en plus, le 8 mars entre dans les consciences pour ce qu’il est réellement : La Journée Internationale de Lutte pour les Droits des Femmes. C’est tant mieux ! Jusqu’à une date récente, en effet -et encore aujourd’hui- il était présenté comme la « Journée de la Femme », une manière d’étrange hybride entre la fête des mères et la Saint- Valentin qui permettait de passer sous silence la question structurelle des inégalités et des injustices qui caractérisent, en Martinique comme ailleurs, la situation des femmes. Des fleurs, une petite sortie, un restaurant, un ti-cadeau, quelques compliments pour tout oublier et voilà ! On avait fait le « taf » de la célébration de « Journée de la Femme » !
Ce contre-sens absolu, à lui seul, illustre toute l’ambiguïté des positionnements de nos sociétés à l’égard du statut fait aux femmes. La tendance actuelle de mettre en avant des femmes « méritantes » ou « inspirantes », quoique différente par nature des errements que nous avons signalés plus haut, n’échappe cependant pas au biaisage par rapport aux fondements historiques et idéologiques de cette date. Certes, les personnes « inspirantes » et « méritantes » ont toute leur importance dans nos représentations. Il reste que le 8 mars trouve ses fondements non dans le « mérite » d’individus particuliers mais dans le droit collectif des femmes -avec ou sans « mérite », notion d’ailleurs toujours relative- d’accéder à l’égalité de traitement et à la justice. L’égalité n’est pas une aventure personnelle. C’est un droit inaliénable pour tout être humain.
L’origine du 8 mars exprime donc une radicalité quant à la place de la femme dans la société. Il revient à la militante marxiste allemande, Clara ZETKINE d’avoir fait voter le 17 août 1910, à Copenhague, lors de la seconde conférence de l’Internationale des femmes socialistes, une motion sur la nécessité d’une « Journée Internationale des Femmes » dont la première manifestation eut lieu le 19 mars 1911. S’inspirant des luttes des femmes pour leurs droits et de Karl MARX -qui rappelait que la femme était « la prolétaire du prolétaire »- ZETKINE revendiquait l’égalité économique, juridique et politique des femmes ainsi que leur participation à la lutte des classes.
Par la suite, la date du 8 mars sera définitivement adoptée en mémoire de la grève des ouvrières de Saint-Petersbourg (Petrograd), du 8 mars 1917, sous le régime tsariste russe. Ce mouvement ouvrit la période des luttes de masse qui conduisirent à la Révolution d’Octobre 1917.
Le 8 mars fut donc d’abord commémorée dans les pays communistes avant de s’étendre à travers le monde. En 1977, l’Organisation des Nations Unies décréta la « Journée des Nations Unies pour les droits des Femmes ». Pour autant, tous les États ne célèbrent pas cette date. Ainsi, l’Afrique du Sud a comme jour férié en l’honneur du combat des femmes le 9 août, en référence à la lutte des femmes contre l’apartheid.
Les inégalités entre femmes et hommes ne constituent pas un mythe. Il s’agit encore d’une réalité brutale et profondément ancrée qui représente un obstacle essentiel aux progrès humains à tous les niveaux. En 2021, 61% des personnes les plus pauvres, deux tiers des analphabètes, 80% des réfugié.e.s climatiques étaient des femmes. Celles-ci sont aussi les premières à souffrir des aléas naturels (95% des décès lors des inondations des Îles Salomon en 2014, 55% des victimes du séisme du Népal en 2014…). En moyenne, l’écart des salaires entre les femmes et les hommes dans le monde est de 19%. Enfin, un tiers des femmes ont subi des violences physiques et/ou sexuelles dans leur vie.
Ce tableau succinct de la situation des femmes dans le monde met en évidence l’importance du 8 mars et l’urgence de hâter la mort du système de pouvoir phallocratique qui, à travers les siècles, a imposé ses normes symboliques, idéologiques, politiques ou sociales. Ce n’est pas que le combat des femmes. C’est celui de tous êtres humains pour accéder à un niveau de civilisation supérieur et faire face aux défis essentiels auxquels notre humanité est d’ores et déjà confrontée.
Francis CAROLE
MARTINIQUE
Mercredi 8 mars 2023