Fort-de-France vient de connaître deux nuits de troubles.
Certes, il ne viendrait à l’esprit de personne de cautionner certaines des dérives auxquelles nous avons assisté et qui n’ont aucun lien avec les revendications avancées par le mouvement contre la vaccination obligatoire et l’extension du pass sanitaire.
Force est néanmoins d’admettre, sans hypocrite précaution, que l’usage disproportionné de la force publique samedi soir, dans un contexte déjà tendu depuis de nombreux mois, a contribué à générer les violences actuelles.
La seule dénonciation de ces événements par certains ne saurait constituer une réponse politique suffisante et appropriée aux interrogations de l’heure.
Il faut revenir à la raison.
Le problème posé à notre pays aujourd’hui par l’épidémie de Covid-19 n’est pas le refus -passager ou pas- de près de de 85% des Martiniquais de se faire vacciner. Contrairement à ce qu’une certaine presse “nationale” répand, nos compatriotes ne peuvent être réduits ni à des “anti-vax”, ni à des adorateurs de tisanes, ni à des “complotistes” tropicaux, ni à des esprits ascientifiques habités par je ne sais quelle vision magique du monde.
Le problème qui se pose par contre aux yeux de tous est celui d’une gestion calamiteuse de la crise sanitaire par l’Etat français qui a inéluctablement conduit à une rupture de confiance. Et pas seulement à l’échelle de la Martinique, comme on s’en rend bien compte à travers les mobilisations menées ici ou là ! De déclarations mensongères (ex.du port des masques) en approximations scientifiques, de décisions incompréhensibles pour la population en changements de cap inattendus, la parole de l’Etat a perdu toute crédibilité et ses prétentions à imposer ses vues par la force toute légitimité.
La violence de l’Etat, sous quelque forme qu’elle s’exprime, répression policière, lois iniques, chantage à l’emploi, ne parviendra pas à masquer les défaillances multiples et à long cours des politiques gouvernementales contre la pandémie.
Peut-on vraiment s’étonner que, face à des positions scientifiques et médicales profondément divergentes, même les esprits les plus rationnels ne se sentent pas en sécurité et fassent le choix de s’abstenir ou “d’attendre” ?
En outre, à qui aura-t-il échappé que le propre calendrier politique du président de la république biaise les lectures scientifiques et médicales de la pandémie ?
La défiance des Martiniquais et leur mobilisation se nourrissent aussi du lourd contentieux de l’empoisonnement au chlordécone et du discours en permanence ambigu de l’Etat sur ce sujet.
Traiter donc par le mépris ou la condescendance les résistances aux vaccins contre le Covid-19 de près de 85% d’une population et croire un seul instant que cette dernière se soumettra, docilement, à la brutalité de la stratégie de la contrainte et du chantage c’est se tromper lourdement et ouvrir la voie à toutes sortes de réactions.
Dans la situation sanitaire que connaît la Martinique -qu’il convient d’aborder avec le plus grand sens des responsabilités-il vaut mieux convaincre que contraindre.
La gouvernance de la trique ne passe plus.
Les crises sanitaires dans notre pays ne peuvent plus être gérées à partir de Paris ou du bureau d’un préfet de passage en Martinique. Cette compétence, en attendant d’autres évolutions, doit être partagée avec le pouvoir local, plus à même de saisir les enjeux du terrain.
Francis CAROLE
MARTINIQUE
Mardi 20 juillet 2021