TEL +596 696 50 78 07 contact@palima-mq.org
PALIMA MARTINIQUE PALIMA MARTINIQUE PALIMA MARTINIQUE
  • ACCUEIL
  • Présentation
  • ACTUALITÉS
  • CONTACT
J'adhère
  • Accueil
  • /
  • Actualités
  • /
  • La lettre du PALIMA
  • /
  • La Lettre n° 16 – Cap sur le tout tourisme…

La Lettre n° 16 – Cap sur le tout tourisme…

12 juillet 2011 admin Commentaires bloqués. La lettre du PALIMA

Le mardi 12 juillet, la plénière du Conseil Régional s’est penchée sur le « Projet de réforme du tourisme de Martinique », présenté par la majorité « Ensemble pour une Martinique nouvelle » et le néo-ppm. Le Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants a clairement mis en évidence les limites de ce document et s’est abstenu. Annoncé comme la révolution copernicienne du secteur touristique, ce « projet » reste décevant, pauvre et partisan dans son diagnostic, sans doctrine et stratégie pour l’avenir.

Vaine arrogance et procès en sorcellerie

L’exercice du pouvoir exige toujours hauteur de vue, intelligence et humilité. On peut regretter que ces qualités aient été absentes des interventions du néo-ppm, à l’occasion du débat sur le tourisme en Martinique. L’adoption, en décembre 1999, du Schéma de Développement et d’Aménagement Touristiques (SDAT) avait eu lieu dans un climat autrement plus responsable qui a sans doute permis le vote unanime des élus (à l’exception d’une abstention au Conseil Général).

Ainsi, le refus ostensible de la rapporteuse de l’originale Politique Unique du Tourisme de saluer le travail de son prédécesseur à la tête du Comité Martiniquais du Tourisme (CMT), Madame De Grandmaison, relève de l’absence du minimum de culture démocratique et de bienséance que l’on est en droit d’attendre d’un élu et d’une institution politique. Cette arrogance peut paraître d’autant plus insupportable que, pour l’heure – et en souhaitant tout de même qu’il en soit différemment à l’avenir- la consistance du bilan de la nouvelle présidente du CMT est inversement proportionnelle à son exposition médiatique personnelle (Echec cuisant de l’opération Benodet, en mai 2011, chute de 68,4 % de la croisière entre janvier et mai 2011, etc.).

Tout aussi navrant apparaît la tentation du diagnostic-règlement de compte qui fourvoie ses auteurs dans le dédale de leur propre amnésie. En effet, la stratégie politicienne du néo-ppm visant à imputer à ses adversaires la responsabilité de la crise du secteur touristique se heurte à un écueil de taille :

De 1986 à aujourd’hui, à l’exception notable de Miguel LAVENTURE (2001-2003), tous les responsables du tourisme, au Conseil Général comme au Conseil Régional, ont appartenu au PPM !

Aussi, s’il avait fallu, de manière simpliste, trouver des coupables, sans doute eût-il été plus judicieux de les chercher essentiellement dans les rangs de ceux qui se posent aujourd’hui en coupeurs de têtes. C’est même l’un d’eux qui a présidé à la faillite et à l’affreux naufrage d’Air Martinique (voir journal « Libération » du 06/11/1997), dans les conditions que l’on sait. Le néo-ppm se trouve par conséquent être le parti le plus mal placé de l’échiquier politique pour dispenser aux autres des leçons sur ce qu’il aurait fallu faire en matière de politique touristique…

Les facteurs de la crise du tourisme martiniquais

En réalité, la crise du tourisme en Martinique – et en Guadeloupe aussi, d’ailleurs – mérite d’être analysée avec des critères plus sérieux, si l’on veut vraiment élaborer une stratégie viable pour notre pays.

Le tourisme de masse dans le monde se développe durant la seconde moitié du 20e siècle et prend rapidement une expansion considérable, y compris dans la Caraïbe et en Martinique. Dès 1965 s’ouvre l’hôtel Bakoua, aux Trois-Ilets ; le Méridien suivra en 1973. Mais, c’est surtout le 6ème plan économique français (1971-1975) qui consacrera le tourisme comme axe fondamental de développement de la Martinique et de la Guadeloupe, avec l’ouverture à l’international ou encore l’apport des fonds européens. Il en résultera une croissance rapide et forte de ce secteur entre 1971 et 1980 puis, de manière moins spectaculaire, entre 1980 et 1990.

Le néo-ppm et ses affidés semblent regretter cette « belle époque » du tourisme et vouloir nous ramener vers ce « paradis perdu ». Pour notre part, nous ne pleurons pas cette expérience touristique parce que, dans sa conception même, elle a longtemps exclu les martiniquais, elle s’est enfermée dans des enclaves, elle a principalement profité à des intérêts extérieurs et ne se fondait sur aucune vision du développement durable.

Si le chiffre de la fréquentation touristique subit une baisse constante depuis 1998, en dépit de quelques reprises ponctuelles, les facteurs de la crise sont plus anciens et remontent au tout début des années 90.

Ainsi, dans un rapport intitulé « Le tourisme dans les Dom-Tom » (août 1993), l’Institut d’Emission des Départements d’Outre-Mer (IEDOM) notait :

  • « La Martinique et la Guadeloupe paraissent avoir trop investi dans un tourisme traditionnel en partie dépassé et vivement concurrencé ».
  • « Les Antilles n’enregistrent, par rapport à la plupart des autres îles de la Caraïbe, que des résultats modestes. Ainsi, elles ne drainent qu’une faible part des touristes (hors croisiéristes) fréquentant la zone ».

A propos de la clientèle américaine et canadienne, le rapport de l’IEDOM précise :

  • « Les Antilles françaises n’ont toujours capté qu’une faible part de la clientèle nord-américaine, mais celle-ci tend à singulièrement diminuer (0,4 % en 1990, contre 1,5 % en 1980) et surtout la chute en valeur des arrivées est particulièrement sensible et va en s’accélérant, tant pour les Américains que pour les Canadiens. Cette évolution est d’autant plus préoccupante que la tendance générale sur les autres îles de la Caraïbe est au contraire à peu près à la hausse ».
  • « la dépendance des principaux DOM-TOM touristiques à l’égard de la conjoncture économique et des fluctuations monétaires est particulièrement significative si l’on observe le comportement de la clientèle nord-américaine vis-à-vis des Antilles françaises et de la Polynésie durant la dernière décennie. Au cours de la première phase dépressive qui a duré jusqu’en 1983, la fréquentation par cette clientèle de la Martinique a singulièrement régressé (la fréquentation hôtelière a chuté de 21,5 % entre 1980 et 1983) ».
  • « Le véritable tournant s’est situé en milieu des années 80, la reprise économique amorcée en 1984 culminant en 1987 et le dollar qui était tombé à moins de 5 francs au début de la dernière décennie atteignait presque 10 francs en 1985 pour ensuite progressivement retomber (5,69 francs en 1990). La Martinique a obtenu sa plus forte fréquentation américaine en 1985 (+45 % par rapport à 1980) puis l’a vue progressivement baisser pour finalement chuter (-40 % en 1990 par rapport à 1980). La Guadeloupe a enregistré sensiblement le même phénomène aux mêmes époques (-49 % en 1990 par rapport à 1980) ».

Le SDAT a élaboré le diagnostic de la chute de la fréquentation touristique en Martinique :

  • L’environnement international,
  • La concurrence des pays de la Caraïbe avec un rapport qualité/prix plus avantageux,
  • L’absence d’une stratégie adaptée à ce contexte,
  • L’inadaptation de nos produits et l’offre peu diversifiée centrée sur le balnéaire,
  • Le vieillissement du parc hôtelier,
  • Les problèmes de desserte aérienne.

A bien des égards, les situations guadeloupéenne et martiniquaise sont, sur le fond, assez proches. Une étude datant d’octobre 2008, intitulée « l’évolution de la politique touristique en Guadeloupe et son impact sur l’économie et l’emploi à l’aide de modèles appliqués » a été réalisée par Louis DUPONT de la Georges Washington University et Alain SALZEDO, Consultant en tourisme. Elle met en lumière des caractéristiques de ce secteur que nous pourrions aisément reprendre pour la Martinique : « dépendance de la destination à l’égard d’une clientèle particulière », « dépendance vis-à-vis de formes très organisées du tourisme », etc. Le rapport conclut au constat d’une « destination en phase de stagnation-déclin », phase révélatrice d’une crise profonde qui est aussi celle du tourisme martiniquais.

Nous voici donc bien loin des procès en sorcellerie intentés par ceux-là mêmes qui, si on suivait leur logique de discrédit et d’excommunication des individus, auraient été les premiers à faire honneur au bûcher ! Mais telle n’est pas notre logique. Nous n’aimons pas les immolations…

La Caraïbe : un « tourisme réussi » ?

Dans son « projet de réforme du tourisme », le néo-ppm et « Ensemble pour une Martinique Nouvelle » nous invitent à prendre pour modèle le « tourisme réussi de nos voisins » de la Caraïbe.

Tout en demeurant une destination modeste au regard d’autres zones touristiques, la Caraïbe a, en effet, connu en trente ans un essor considérable de fréquentation. Bien entendu, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne et certains comme Cuba, la République Dominicaine et Porto Rico, font figure de leaders dans le tourisme de masse. D’autres, à l’instar de Sainte-Lucie, ont plus de difficultés à tirer profit de ces flux. De leur côté, Saint-Kitts et Saint-Barthélémy se sont spécialisés dans un tourisme haut de gamme. Parler donc de la Caraïbe sans distinguer la diversité des situations (dont certaines ne sont pas éloignées de la nôtre) relève de la supercherie intellectuelle.

D’autre part, que signifie « le tourisme réussi de nos voisins » ? Selon quels critères mesure-t-on « un tourisme réussi » ? Les seuls chiffres de la fréquentation touristique sont-ils suffisamment pertinents pour juger de la réussite de nos voisins ?

S’il faut saluer les efforts de développement des pays de la Caraïbe, parfois couronnés de succès, on ne saurait cependant parler, à leur propos, et sans analyse au cas par cas, de « tourisme réussi ». Les Etats de la Caraïbe eux-mêmes en sont conscients. Plusieurs problématiques limitatives se posent à eux :

  • La sous-rémunération des emplois : D’une manière générale, les emplois du secteur touristique sont mal rémunérés et saisonniers.
  • La dépendance vis-à-vis des produits d’importation : Les avantages engendrés par les flux touristiques sont considérablement réduits à cause de l’augmentation des produits d’importation. Ainsi, Sainte-Lucie est obligée de consacrer une bonne partie de ses revenus à l’importation de produits alimentaires conditionnés. En dépit de l’augmentation de la fréquentation touristique, on observe une perte conséquente des revenus d’Antigua et Barbuda, du fait de cette logique de dépendance.
  • Le rôle des multinationales : A l’exception notable de Cuba, une partie significative des profits de tourisme se voit accaparée par les transnationales et retourne vers les pays du nord. Cette appropriation des ressources de certains pays de notre région et le contrôle des flux touristiques servent principalement des intérêts étrangers qui n’hésitent pas à construire de véritables enclaves touristiques excluant les populations locales. Nous avons connu un tel phénomène en Martinique dans les années 70, voire même après…
  • La mono-activité touristique et les aléas du marché : Dans «Tourisme des Antilles françaises » Stéphanie BESSIERE, Harmattan, 2010, rappelle très justement : « La Caraïbe est la région la plus dépendante au monde du tourisme, premier contributeur de l’économie régionale (1er rang mondial) et également la plus fragile sur le long terme (13e rang mondial) ».

Cette activité est extrêmement sensible aux aléas internationaux. Ainsi, en 2000, le tourisme mondial enregistrait une progression de 7,4 % d’arrivées de touristes. Mais les attentats du 11 septembre 2001, aux Etats-Unis, entraînaient une baisse de la croissance touristique, jusqu’en 2004, date à laquelle on assistait à un redémarrage. Le baromètre de l’Organisation du Tourisme Mondial (OMT) faisait alors état d’une progression de 6 % entre 2006 et 2007. Celle-ci se situait à seulement 2 % entre 2007 et 2008.

Dès le second semestre 2008, un ralentissement notable apparaissait. La crise financière mondiale, née des subprimes allait alors considérablement amplifier ce phénomène et entraîner un recul de 4,3 % des arrivées de touristes dans le monde. Le secrétaire général de l’OMT, Taleb RIFAI, a qualifié 2009 de l’une des « années les plus difficiles pour le secteur touristique ».

La récession économique a aussi, inéluctablement, modifié les comportements des touristes qui, pour des raisons que chacun peut comprendre, limitent les dépenses : Recherche de promotions, de voyages à forfait ; réduction du nombre de déplacements et de la durée des séjours ; choix de la proximité et des marchés domestiques. Ces nouveaux comportements contribuent, bien entendu, à réduire la rentabilité du tourisme. Ce contexte génère des drames sociaux dans les pays fortement dépendants des flux touristiques.

La zone Caraïbes a, elle aussi, subi les contrecoups du climat de récession. La Banque de Développement des Caraïbes a exprimé ses craintes que cette crise ne soit plus profonde et durable que les précédentes. Wayne CUMMINGS, directeur administratif de Sandals Resorts International, a confessé que « la situation est décourageante ». A Saint-Domingue, le grand chantier de Cao Cana, comportant 4 hôtels de luxe, 3 terrains de golf et un immense port de plaisance, a été mis en arrêt. 500 travailleurs ont été licenciés en novembre 2009. Il en va de même pour le projet de Kingston Wharf, en Jamaïque, reprogrammé pour 2011, compte tenu de la défection de plusieurs banques internationales.

Le « World Travel and Tourism Council » a publié des chiffres éloquents sur le recul de la fréquentation touristique dans la Caraïbe, en 2009 :

Anguilla : – 22,6 %

Antigua et Barbuda : – 11,8 %

Bahamas : – 9,3 %

Barbade : – 8,7 %

Bermudes : – 10,5 %

Dominique : – 12,1 %

Iles Vierges Britanniques : – 17 %

Sainte-Lucie : – 5,8 %

St-Vincent et les Grenadines : – 11,2 %

Saint-Barthélémy : – 14,9 %

Ces données revêtent d’autant plus d’importance que, pour l’année 2009, le tourisme représentait 67,6 % des emplois à Anguilla, 80 % à Antigua et Barbuda, ou encore 78 % à Aruba. A titre comparatif, ce pourcentage est de 9,3 % en Martinique.

Comme nous le mentionnions plus haut, les Etats de la Caraïbe sont conscients de ces insuffisances et y cherchent des alternatives. C’est dans cet esprit qu’a été mis en place, en 2005, un Programme Régional de Développement du Tourisme Durable de la Caraïbe (CRSTDP). L’un de ses objectifs consiste à : «Développer et renforcer les liens entre le tourisme et d’autres secteurs économiques pour renforcer l’effet démultiplicateur et réduire les pertes dans ce domaine ».

En décembre 2001, l’Association des Etats de la Caraïbe créait la Zone du Tourisme Durable de la Caraïbe (ZTDC).

L’affirmation du néo-ppm du prétendu « tourisme réussi de nos voisins » et son absence de stratégie claire font légitimement craindre une fuite en avant dans le tout-tourisme et ses dérives environnementales, sociales, culturelles, foncières et économiques.

L’art de ressasser

« L’heure est venue de repenser en profondeur notre stratégie de développement » annonce péremptoirement le rapport sur « le projet de réforme du tourisme de Martinique », si joliment baptisé par ses propres concepteurs de la Politique Unique du Tourisme (PUT).

Mais la révolution copernicienne promise n’a pas eu lieu et l’on a malheureusement bien du mal à identifier dans ce « projet » « le repenser en profondeur » et la « stratégie », qui plus est « de développement ».

A vrai dire, les concepteurs de la PUT se sont livrés à une opération de pillage intellectuel du SDAT (Schéma de Développement et d’Aménagement Touristique) élaboré en 1999, de la « 1ère conférence du tourisme de la Martinique » (7 et 8 octobre 2002), et du SMDE (Schéma Martiniquais de Développement Economique), conçu en 2006.

La démarche a consisté à « piquer » ça et là les recommandations phares de ces travaux, en les dépouillant, délibérément, des diagnostics et des analyses de fond qui les portaient. Si le SDAT, la conférence du tourisme martiniquais et le SMDE tentaient de définir une véritable stratégie, la Politique Unique du Tourisme s’est contentée de faire dans la communication, se bornant à déclamer un florilège d’opérations destinées à séduire le chaland.

Les EAT (Espaces d’Aménagement Touristiques), la formation des acteurs du secteur, la sensibilisation de la population, la signalétique sur les sites touristiques et les plages, la valorisation des sites, la diversification et la labellisation des produits, la conquête des marchés de l’Amérique du Sud et d’ailleurs, rien de tout cela n’est vraiment nouveau. Ce n’est donc pas du repensé mais du ressassé

Avouons cependant que l’on n’avait pas pensé à la « réhabilitation de la Fontaine Gueydon avec la ville de Fort-de-France », projet promis depuis 2001 à la population foyalaise par l’actuel président de Région, alors candidat à une première mandature municipale dans la « ville-capitale ». Cette nouveauté est donc à mettre à l’actif de « Ensemble pour une Martinique nouvelle » !

Ce constat de plagiat fait, il convient de s’interroger sur deux illustrations de la politique initiée par la « nouvelle gouvernance ».

D’abord « la sensibilisation de la population »

Dans le rapport, en page 6, « la population », nous prophétise-t-on, « devient bâtisseur de paradis ». Peut-on, avec un minimum de sérieux et de bon sens, inviter la population martiniquaise à bâtir un « paradis » pour touristes, au moment même où elle est confrontée à tant de difficultés et d’incertitudes ? Peut-on, avec l’argent du contribuable, faire pire dans le message publicitaire suranné dont on ne peut que douter de l’efficacité ?

Un tel message, à lui seul, met en lumière le décalage tragique existant entre les projets de certains spéculateurs du secteur touristique et la réalité du vécu quotidien des Martiniquais. Ce message et la démarche qui la sous-tend sont par nature contre-productifs à court, à moyen et à long terme.

On n’éduque pas un peuple à coup de matraquage publicitaire. Il faut, au contraire, élaborer une stratégie participative d’éducation (et non de simple communication qu’il faut réserver aux marchés extérieurs) permettant de construire, avec la population, en partant de ses préoccupations et en se fondant sur ses intérêts, une vision et une attitude partagées sur le tourisme.

Il n’y a pas de paradis à bâtir, mais une activité économique à développer rationnellement avec les Martiniquais et dans leur intérêt.

Ensuite, le mirage de Roissy

La desserte de Fort-de-France dès novembre 2011, une fois par semaine, à partir de Roissy, est présentée par l’actuelle équipe de la Région comme une formidable victoire. On ne doute pas que les fleurs et les discours pompeux seront au rendez-vous de l’inauguration de cette grande affaire de notre nouveau siècle touristique !

Rappelons, tout de même, que cette expérience a déjà été tentée en Martinique : De 1999 à 2001 avec quatre vols par semaine et de 2003 à 2005 avec deux rotations hebdomadaires. Chacun sait qu’elle n’a pas été concluante.

On oublie trop souvent qu’au-delà de la desserte, ce qui reste essentiel c’est le produit touristique que l’on propose.

Le postulat contestable du tout-tourisme

Dans son rapport d’information sur le tourisme, de mai 2011, le sénateur Michel MAGRAS reprend un des vieux poncifs de la doctrine économique de la France pour ses colonies antillaises :

« …Le tourisme est le secteur économique d’avenir pour les Antilles : C’est le gisement de croissance de ces départements pour les prochaines années, le seul secteur d’activité dont on peut espérer un développement économique durable ». (Page 17).

Et d’ajouter dans sa  « recommandation n° 1 » :  « Faire du tourisme la priorité des Antilles en matière de développement économique ».

C’était déjà là le postulat du 6ème plan économique de la France (1971-1975).

Mais, au-delà de la stigmatisation, si facile, des collectivités locales et de la population martiniquaise qui serait « réfractaire au développement du tourisme » et animée même « d’agressivité latente » (voir rapport de Michel MAGRAS – Page 23), la question reste de savoir où nous a conduit cette vision économique fondée sur la spécialisation touristique de la Martinique et de la Guadeloupe.

Cette vision du développement constitue manifestement un échec absolu dont l’Etat français porte la responsabilité principale puisque la Martinique n’est pas un pays indépendant et que la politique économique est de la responsabilité de cet Etat.

La situation de délabrement de notre économie et son impasse actuelle attestent de ce constat de mal développement, de faillite du modèle départementalo-colonial.

Il faut donc interroger le postulat de la priorité absolue du tourisme lui-même. Certes, nous ne doutons pas que cette interpellation indispose les cerveaux habitués à la ritournelle économique du mirage du tourisme, mais nous parlons de l’avenir de notre pays et de notre peuple. La frilosité intellectuelle, le mimétisme politique et l’affairisme de certains ne sont pas des attitudes qui nous permettront de répondre aux défis de notre temps.

De ce point de vue, la démarche du SMDE avait toute sa pertinence. Sur la base d’un diagnostic global de la situation de notre pays, ce schéma dessinait une stratégie de développement global à l’intérieur de laquelle il définissait la place de chaque secteur d’activités, dans une dynamique de cohérence.

Bien entendu, il n’y a de notre part nulle volonté de rejeter le tourisme comme axe de développement, mais nous estimons qu’il doit être conçu comme un axe à l’intérieur d’une vision et d’une dynamique de refondation de notre modèle économique et de notre stratégie de développement national (Martiniquais).

Le néo-ppm et « Ensemble pour une Martinique nouvelle » peuvent se gargariser de promesses ronflantes :

  • « Création de 9 000 emplois » nouveaux « sur 10 ans » (programme de campagne)
  • « 400 000 à 500 000 touristes de croisières » (programme de campagne)
  • « 1 million de touristes par an d’ici 10 ans » (PUT)
  • « Augmenter la dépense moyenne annuelle des touristes sur l’ensemble des segments : 380 millions en 10 ans » (PUT)

Ces chiffres sont lancés à l’encan, conformément à la méthode – désormais – connue de cinq-mille-emplois-en-deux-ans.

Mais la Politique Unique du Tourisme ne définit pas une stratégie pour le tourisme martiniquais. Elle tire dans tous les sens. Quelle cible est visée ? Veut-on poursuivre le tourisme de masse ? Privilégie-t-on le tourisme de moyenne ou de haut de gamme ? L’opacité semble totale sur ces questions qui déterminent pourtant la cohérence des actions qui seront mises en œuvre.

Un chapelet d’actions ne constitue pas une stratégie, avec une doctrine pertinente, des objectifs clairement identifiés, des lignes de forces, une hiérarchisation des actions et des moyens adéquats.

Cette absence de doctrine se fait d’ailleurs ressentir dans la pauvreté de la réflexion sur le « tourisme durable ».

En page 4 du rapport (point 6), il est fait état d’  « un tourisme respectueux de l’environnement qui tiendra compte de la préservation de l’environnement ». Seulement le « tourisme durable » ne consiste pas simplement à « tenir compte de l’environnement ». Il doit être aux fondations même de notre stratégie de développement et irriguer nos objectifs, nos actions et nos procédures.

Cette stratégie s’avère d’autant plus incontournable que, par nature, tous les types de tourisme ont un impact sur le milieu. La massification des flux touristiques génère des perturbations considérables sur l’environnement physique et humain, entraînant souvent une dégradation irréversible de certains milieux (« spirale de la mort »  de Mc Elroy et de Albuquerque, 1998). Certains, avec une indéniable pertinence, considèrent même l’explosion de ces flux comme « une entreprise de subordination au modèle catastrophique du développement occidental » (A. Bastenier, 2006).

C’est, incontestablement, une raison supplémentaire pour inscrire notre modèle de développement touristique dans le durable, d’autant que les écosystèmes de la Caraïbe, tout en étant extrêmement riches, s’avèrent fragiles comme l’ont démontré de nombreuses études. Tous les spécialistes s’accordent ainsi pour reconnaître que le milieu naturel de la Martinique est déjà fortement dégradé par la conjonction de l’agriculture, de l’industrialisation et de l’urbanisation (réduction de 30 % de la mangrove en 20 ans, pollution des eaux etc…). Le changement climatique exerce aussi une pression négative sur tous les milieux. Le tourisme renforce ce phénomène sur les fonds marins (exemple de la dégradation des écosystèmes récifaux) et sur toute la biodiversité.

Le projet de réforme de l’actuelle majorité ne fait aucune mention de ces phénomènes et des moyens permettant de les prendre en charge :

  • Elaboration d’un guide du tourisme durable
  • Dispositifs de prévention et législation adaptée
  • Education de masse au développement durable
  • Mise en œuvre des critères de durabilité (indicateurs environnementaux et socio-économiques).

Par ailleurs, le développement durable présente l’avantage de favoriser une meilleure participation de la population à l’industrie touristique et une répartition plus équitable de ses revenus.

En conclusion, l’orientation donnée par le néo-ppm au tourisme révèle une incapacité d’analyser et de remettre en question un modèle qui a fait la preuve de son inefficacité. On ne saurait nier que le tourisme représente un axe de développement important pour la Martinique. Néanmoins, le tourisme de masse et la tentation du tout-tourisme constituent une impasse à terme. Le secteur touristique doit être intégré dans un projet de développement national (Martiniquais) global et s’inscrire dans le durable.

Francis CAROLE
Clément CHARPENTIER-TITY

Publication précédente Publication suivante

Rechercher

Articles récents

  • « Lafèt PALIMA »
  • DÉTOURNEMENTS DE FONDS À LA CTM :
  • « LA NATION MARTINIQUAISE : QU’EST-CE QUE C’EST ? »
  • LETTRE OUVERTE DU FRONT INTERNATIONAL DE DÉCOLONISATION AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
  • LE COLONISATEUR ET LES RUSES DE « L’INGÉRENCE ÉTRANGÈRE »

Categories

  • Actualités (134)
  • Annou katjilé ansanm (6)
  • Ki nov ? (4)
  • La lettre du PALIMA (18)
  • Le Palima Hebdo (6)
  • Non classé (9)
  • Vidéo (6)
Footer logo

PArti pour la LIbération de la MArtinique

Facebook-f Facebook-f Whatsapp

LIEN UTILES

  • PRÉSENTATION
  • ACTUALITÉS
  • ADHÉSION

THÉMATIQUES

  • Annou katjilé ansanm
  • La lettre du PALIMA
  • PALIMA Hebdo
  • Ki nov ?

FACEBOOK

Copyright © PALIMA. Tous droits réservés. | Politique de confidentialité | Mentions légales